À France Travail, les psychologues dénoncent le « travail empêché »

Actualités professionnelles le 24 février 2025

 

Au 1er janvier 2024, Pôle Emploi est devenu France Travail. Les quelques 980 psychologues de cette institution continuent de voir leur travail se dégrader, ainsi que la santé mentale des inscrits au chômage.

 

Depuis la création de Pôle Emploi en 2008, les anciens psychologues de l’Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), transférés en 2010, puis celles et ceux qui les ont rejoints depuis ont pour mission d’accompagner vers le retour à l’emploi certains inscrits au chômage, orientés par les conseillers. En théorie. En pratique, les conditions d’accompagnement se détériorent d’année en année, selon Nabila Oumakhlouf, membre du collectif Pôle Psycho, qui fédère la profession. En première ligne, la problématique de la confidentialité, qui n’est pas assurée dans toutes les agences : « Ne pas pouvoir garantir cette confidentialité pose des questions éthiques et a un coût. C’est du travail empêché. » constate la psychologue, dont plusieurs confrères et consœurs sont en arrêt-maladie pour cette raison.

Dernière disposition mise en place par France Travail : l'entraînement d’une intelligence artificielle pour « faire gagner du temps aux conseillers, comme aux candidats », selon le DG de France Travail, Thibault Guilluy. Le 4 février, il signait un accord avec Mistral AI, une intelligence artificielle française. Avec l’outil Chat FT, d’aide à la rédaction, et Match FT, qui “épaule” les conseillers dans leurs échanges avec les candidats à des offres d’emploi, il espère simplifier l’étape de pré-qualification et dégager du temps d’accompagnement. Une mesure que les psychologues du travail accueillent d’un mauvais œil. « L’institution et les agents s'accommodent avec l’idée qu’on va pouvoir rattraper ça humainement, mais l’idée est quand même de se passer de l’humain. » dénonce Nabila Oumakhlouf.  

 

Souffrance au travail, côté demandeurs et côté psy

L’organisme de recherche du ministère du Travail, la DARES, a mené cet été une enquête sur la Santé mentale et l’expérience subjective du chômage, avec une approche par la psychodynamique au travail, auprès de psychologues, conseillers, agents de contrôle et demandeurs d’emploi. L’étude concluait que les usagers se sentaient « livrés à eux-mêmes » et percevaient « une forme de déshumanisation des rapports de service. » Côté psychologues, « Le registre de l’écoute peut entrer en conflit avec les règles et les objectifs de Pôle Emploi, qui encouragent généralement l'activation des chômeurs. »

 « Nous constatons, par les personnes que nous recevons, qu’il y a de plus en plus une grande souffrance au travail et une difficulté à y retourner. Et puis, un travail, mais quel travail ? Quels secteurs sont préservés ? » s’insurge Nabila Oumakhlouf. En décembre 2024, 5 495 100 personnes étaient inscrites à France Travail, l’augmentation trimestrielle la plus forte depuis près de dix ans, hors COVID. La succession de réformes a eu « des effets terribles sur les usagers, ils sont très inquiets. » Et à raison. Les psychologues du travail accompagnent des personnes parfois privées brutalement d’une allocation qui les faisait vivre eux et leur famille : « Comment une société comme la nôtre peut couper les vivres à un individu et comment accepter d’en être les opérateurs ? » regrette celle qui dénonce un conflit éthique. Dans un communiqué de décembre 2024, le syndicat SNES FSU soulignait que : « Les psychologues de France Travail deviennent très souvent la première consultation "médico-psychosociale” » dans un contexte où « les services sociaux sonnent dans le vide » ajoute Nabila Oumakhlouf.

 

Sophie Bourlet

 

Partage sur les réseaux sociaux

Abonnez-vous !

pour profiter du Journal des Psychologues où et quand vous voulez : abonnement à la revue + abonnement au site internet

Restez Connecté !

de l'actualité avec le Journal des Psychologues
en vous inscrivant à notre newsletter