Depuis septembre dernier, le Dr Juan-David Nasio, psychiatre, psychanalyste[1] et enseignant passionné anime l’émission « L’inconscient », diffusée depuis novembre 2022 en direct sur France Inter et en podcast. Il est l'un des fondateurs des Séminaires psychanalytiques de Paris.
Guillaume Bouvy : Qu’est-ce qui a motivé l’idée de lancer cette émission ?
Dr Juan-David Nasio : J’étais complètement ignare de la radio, même si j’écoutais. La responsable de France Inter est venue me demander en mai si je pouvais produire une émission. Le jour du rendez-vous, elle a demandé que j’intervienne une fois par semaine, sans journaliste. Elle voulait que ce soit moi qui parle, sans questions d’auditeurs, durant une heure.
G.B. : Comment avez-vous accueilli la proposition ?
Dr J.-D. N. : J’avais déjà été invité à la radio et à la télévision, mais je n’avais jamais été le centre d’une émission. Après en avoir discuté, nous avons trouvé la solution d’une émission en direct suivie d’un podcast interactif, où les questions des auditeurs sont enregistrées d’une émission à l’autre, pour lesquelles j’y réponds en fin d’émission. J’ai choisi quinze thématiques.
G.B. : Quel est l’esprit de cette émission ?
Dr J.-D. N. : J’ai accepté de réaliser ces épisodes pour deux raisons, d’une part car en tant que vieil enseignant j’aime transmettre. D’autre part pour inciter l’auditeur à comprendre et à réfléchir sur ses émotions qu’on peut vivre au quotidien. Je répète systématiquement dans mon émission que je ne m’adresse pas à vous tous en général, mais à chacun individuellement. J’ai souhaité que « L’Inconscient » soit un dialogue intime et fécond entre les auditeurs et moi. J’ai également voulu que l’auditeur perçoive que je suis authentique et sente ma passion. Je suis dans l’intellectuel mais je veux être proche de mes patients et de mes auditeurs, et leur être utile. Je suis un clinicien du cœur.
G.B. : À qui vous adressez-vous ? Les professionnels peuvent-ils aussi être vos auditeurs ?
Dr J.-D. N. : J’essaie de les destiner le plus possible pour le grand public et de vulgariser au maximum. Mes textes sont poignants et humains. Je parle de la façon la plus simple et émouvante, donc les professionnels peuvent aussi m’écouter.
G.B. Avez-vous vu la série En thérapie ? Si oui qu’en avez-vous pensé en tant que psychanalyste ?
Dr J.-D. N. : Je n’ai pas le temps de regarder des séries. Je suis né dans la psychanalyse, et je souhaite montrer un autre visage de cette discipline. Je ne suis pas d’accord avec les caricatures qui la limitent aux associations libres, et où le psychanalyste ne parle pas. C’est un peu notre faute et c’est vrai que nous, les psychanalystes, nous avons pu être trop durs et trop arrogants.
G.B. : Vous présentez de nombreux cas cliniques à travers les différentes thématiques que vous abordez. Avez-vous rencontré des limites à cet égard ?
Dr J.-D. N. : J’ai commencé à exercer en 1965. J’ai aidé de nombreux conflits humains. J’ai beaucoup de respect pour tous ceux qui m’ont fait confiance. Les histoires que je raconte dans mon émission sont très anciennes. Je ne les vois plus et lorsqu’ils ont arrêté ils allaient mieux. Je change les détails pour préserver mes patients. Tout est fiction, on réécrit la vérité.
G.B. : Pouvez-vous détailler la réalisation de l’émission « L’Inconscient » ?
Dr J.-D. N. : Je me rends à France Inter pour enregistrer l’épisode. Ce dernier est diffusé comme podcast pendant quinze jours. Les gens écoutent, puis les questions sont enregistrées pour l’émission suivante, auxquelles je réponds. J’improvise pour les réponses. Fin novembre, tout le monde était agité à la Maison de la radio. Les chiffres de Médiamétrie, qui mesurent l’audience, venaient de tomber. « L’Inconscient » était en deuxième position après « les Grosses têtes » de Ruquier sur RTL, avec respectivement 490 000 et 690 000 auditeurs ! Je suis un agneau qui rentre à la radio, alors que Ruquier est un loup !
G.B. : Pourquoi avoir changé la formule depuis janvier ?
Dr J.-D. N. : Je n’avais plus le temps de réaliser et enregistrer chaque semaine une émission. Ce pourquoi trois autres psychanalystes m’ont rejoint[2].
G.B. : Quels sont vos projets pour la suite ? Envisagez-vous de poursuivre en radio ?
Dr J.-D. N. : J’ai été sollicité pour deux émissions sur l’art sur France Inter, l’une sur la chanteuse lyrique La Callas et l’autre sur Felix Vallotton. Je viens d’enregistrer l’émission pour le 29 janvier. Je peux vous livrer le titre de l’émission qui sera diffusée le 26 février. Ce sera : « Psychanalyser, c’est apprendre au patient à aimer ce qu’il a, ce qu’il fait et ce qu’il est. »
Propos recueillis par Guillaume Bouvy.
[1] Son dernier ouvrage, Tout le monde peut-il tomber en dépression, est paru aux éditions Payot en 2021.
[2] Trois autres voix ont rejoint le Dr Nasio. Il s’agit de Clotilde Leguil (psychanalyste et philosophe), Caroline Eliacheff (pédopsychiatre, psychanalyste et essaysite) et Laurie Laufer (psychanalyste et professeure au département d’études psychanalytiques de l’IHSS).
Pour aller plus loin :
Voir le site de l'émission : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-inconscient