La loi sur la fin de vie coupée dans son élan

Société le 24 juin 2024

 

Avec la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin, le vote qui devait avoir lieu le 18 juin à propos du très attendu projet de loi sur la fin de vie est suspendu. Les professionnels sont partagés à l’annonce de cette nouvelle.

 

À l’annonce de la dissolution du Parlement, le rapporteur de la loi, Olivier Falorni s’est dit « triste de voir la loi Fin de vie brutalement stoppée. » De son côté, le président d’honneur de l’association pour le Droit à mourir dans la dignité, Jean-Luc Roméro-Michel, a exhorté les partis candidats à l’inscrire dans leurs programmes. « C’est aujourd’hui un sentiment de gâchis immense qui domine » écrit l’association dans un communiqué.

En 2022, l’avis du Comité consultatif national d’éthique avait été rendu favorable à 74 % à une « aide active à mourir » strictement encadrée, à condition que soient parallèlement renforcés les soins palliatifs. Adopté le 10 avril dernier, le projet de loi aussi attendu que controversé était en train d’être examiné par l’Assemblée nationale. Des milliers d’amendements avaient été apportés, notamment sur l’article 5, portant sur l’aide à mourir.

Dans sa dernière version, les conditions pour accéder à celle-ci était « d’être atteint d’une affection grave et incurable en phase avancée ou terminale », qui concerne une souffrance physique ou psychologique, dont le caractère insupportable relevait de l'évaluation du malade uniquement qui doit posséder une aptitude à manifester sa volonté « de façon libre et éclairée ». Des choix de mots particulièrement tendus dans l’hémicycle, sur cette question aussi politique qu’intime et philosophique. Le député Pierre Dharréville (PC) « pris de vertige », avait choisi de quitter les débats : « C’est pour moi une loi brutale, une loi sans rivages et un terrible message de renoncement et d’abandon. »

Si la loi est conçue au départ pour soulager la douleur des personnes et les accompagner vers la fin de vie, certains professionnels, notamment les psychologues, alertent sur une solution « facile » qui permettrait de ne pas se poser la question de l'amélioration des conditions des soins palliatifs. « Soigner par la mort n’est pas un soin » a titré une chronique Marie de Hennezel, psychologue spécialiste du vieillissement, argument repris par de nombreux députés.  L’académie nationale de médecine alerte sur « le risque de supprimer la frontière entre un état suicidaire et l’aide à mourir. »

« Maintenir le projet de vie jusqu’au seuil de la mort »

Laure Gillot, psychologue en réanimation néonatale au CH le Mans, s’insurge contre cette loi dans plusieurs tribunes. Elle attire l’attention sur la sémantique : « On dit aide à mourir, alors qu’on est là pour aider à vivre jusqu’à la mort. » Selon elle, la loi Claeys-Leonetti de 2016 permet déjà de plonger les patients dans une sédation profonde, de laquelle on ne se réveille pas. « Cette loi n’est pas assez connue, des députés ou des médecins, ni suffisamment appliquée. Mais elle permet d’accompagner la fin de vie, sans pour autant l’accélérer. En palliatif, peu de gens demandent à mourir, ils souhaitent être accompagnés au seuil de la mort avec dignité. » Elle regrette : « On est dans l’évitement de la culture palliative. On voudrait faire taire ce qui dérange. Alors que le plus grand défi devrait être de maintenir le projet de vie jusqu’au seuil de la mort. »

Il existe en France 7 546 places en soins palliatifs selon l’Atlas des soins palliatifs 2023. Selon la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), seuls 30 % des patients qui en auraient besoin ont accès à ces soins. Malgré sa promesse d’investir 100 millions d’euros par an jusqu’en 2034 dans les soins palliatifs, le projet de loi n’aura pas été jusqu’à convaincre et risque fort d’être rangé au placard. Bien que mentionné par Gabriel Attal (Renaissance) et Fabien Roussel (Front populaire) depuis la dissolution, le sujet n’est inscrit sur les programmes d’aucun parti candidat aux législatives.

Sophie Bourlet

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