Le racisme ne s’allonge pas encore sur le divan

Actualités professionnelles le 26 septembre 2024

 

Ressenti au quotidien, le racisme a des répercussions significatives sur la qualité de vie et la santé mentale. D’un côté, les personnes concernées développent stress, anxiété, dépression… De l’autre, la recherche et les psychologues tardent à s’emparer du sujet.

 

Selon le ministère de l’Intérieur, le nombre de crimes et délits à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux a très fortement augmenté en 2023 (+32%). Si le racisme au sens moderne prend sa source à l’époque du commerce triangulaire, 500 ans d’histoire n’auront pas suffi à faire disparaître « l’idéologie de différenciation entre groupes d’humains et la hiérarchisation de ces groupes », selon la définition de la psychologue et docteure en psychologie sociale Racky Ka-Sy.

Vécu au quotidien, le racisme impacte fortement la santé mentale, selon la praticienne, forte de quinze ans de travaux sur la question : « On pense souvent à des actes violents, impressionnants. Mais au quotidien, ça peut être quelqu’un qui ne répond pas à un bonjour. » Elle prend l’exemple de la sphère professionnelle, sur lequel elle est particulièrement attentive : « Des petites remarques sur la couleur de peau, les cheveux, etc. Mais aussi plus de travail, moins de promotions, voire du harcèlement. » Une “charge raciale” - s’additionne à la peur de confirmer les stéréotypes qui concernent notre propre groupe. Celle-ci amène à « contrôler la manière dont on parle, dont on interagit avec les autres », ne pas parler trop fort, sentir bon, etc.

Yaotcha d’Almeida est l’auteure du livre Impact des microagressions et de la discrimination raciale sur la santé mentale des personnes racisées : L'exemple de femmes noires en France (L’Harmattan, 2022). Selon la psychologue clinicienne, le racisme produit sur le psychisme : un impact négatif sur l’estime de soi, une tristesse, une peur d’être agressé, et une vision du monde perçu comme dangereux, injuste. Des émotions souvent refoulées car « invalidées et renvoyées à un vécu persécutif » par des proches ou des professionnels. Un “stress racial” qui peut dégénérer en « troubles anxieux, dépressifs, allant jusqu’au stress post-traumatique et trauma complexe. » La santé générale est aussi impactée : trouble du sommeil, maux de tête, hypertension, problèmes digestifs, maladies inflammatoires et cardiovasculaires.

Un sujet (encore) tabou

Les travaux de Racky Ka-Sy et de Yaotcha d’Almeida sont basés sur les recherches anglo-saxonnes, la littérature française en psychologie étant cruellement dépourvue du sujet du racisme. « C’est encore un sujet tabou. La problématique du racisme n’est pas du tout étudiée dans nos cursus. » regrette Racky Ka-Sy. Quand les textes étudiés ne sont pas carrément issus de pensées racistes. Paul Broca, médecin du siècle dernier ayant posé les bases de la neuropsychologie clinique, expliquait que « la couleur plus ou moins noire de la peau, l’état laineux de la chevelure et l’infériorité intellectuelle et sociale sont fréquemment associés. » En 2021, l’Association américaine de psychologie (APA) a d'ailleurs présenté ses excuses aux “ personnes de couleur pour le rôle de l'APA dans la promotion, la perpétuation et l'incapacité à remettre en cause le racisme, la discrimination raciale et la hiérarchie humaine ” et a lancé dans la foulée une série de formations à ce sujet.

« Il faut accueillir la parole sans minimiser les émotions liées au stress racial », selon Yaotcha d’Almeida, qui conseille aussi d’interroger ses propres représentations. Il s’agit, « comme pour le travail de psychologue en général, de travailler avec la subjectivité du patient, et d'accueillir son vécu », rappelle Racky Ka-Sy. Elle confie que la totalité de ses patients lui ont confié « avoir peur, être angoissés pour l’avenir », suite aux résultats des dernières élections.

 

Sophie Bourlet

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