C’était le vendredi 10 septembre, augurant de la foule, j’étais arrivée avec suffisamment d’avance. Quelle ne fut pas ma surprise - et aussi ma déception - de constater que je me retrouvais parmi de rares privilégiés. La bonne surprise était cette reconnaissance, d’ex-directrice adjointe, mais la déception l’accompagna, car je m’attendais à une grande manifestation et les retrouvailles avec de multiples collègues.
On aurait pu s’attendre, en effet, à cette occasion, à un grand congrès sur la formation des psychologues en France. Mais non, ce centenaire, reporté en raison de la Covid-19, fut finalement fêté confidentiellement à Boulogne-Billancourt, au siège de cet institut. Le grand amphithéâtre accueillit les invités, Covid-19 oblige encore, la distanciation fut respectée, faisant passer les 500 places à la moitié.
Pour l’ouverture de cette célébration, à l’invitation d’Isabelle Jambaqué-Aubourg, directrice de l’Institut de psychologie, les anciens directeurs furent invités à revêtir leurs toges jaunes or et à s’associer aux officiels pour une entrée solennelle dans l’amphithéâtre.
Suivirent les allocutions de Christine Clerici, la présidente de l’Université de Paris, Olivier Houdé, membre de l’Académie des sciences morales et politiques (il fut rappelé que le dernier psychologue reçu à cette académie fut Pierre Janet en 1913, il y a donc plus d’un siècle !), Sylvain Moutier, doyen de la Faculté Sociétés et Humanités (nouvellement créée), et enfin, Isabelle Jambaqué-Aubourg, la directrice de l’Institut de psychologie. Tous ont souligné l’importance de l’Institut dans le développement de la psychologie en France, et au-delà des frontières.
L’Institut de psychologie fut créé en 1920 par Henri Delacroix pour initier une psychologie scientifique (contrastant avec les approches exclusivement philosophiques). Mais cette création ne fut publiée au Journal officiel qu’en janvier 1921, date qui justifie donc bien précisément ce centenaire.
Au cours de la matinée, les interventions déroulèrent un historique de l’Institut et des enseignements de la psychologie en France. Beaucoup de grands noms furent rappelés,
Théodule Ribot, Pierre Janet, Georges Dumas, Alfred Binet, Édouard Toulouse, Jean Piaget, Daniel Lagache, Paul Fraisse, Henri Piéron, Henri Wallon ou encore Jean Delay pour n’en citer que quelques-uns.
Quelques repères :
1920 : une quarantaine d’étudiants (plus d’étrangers que de français), dont Jean Piaget. Une féminisation progressive à partir de 1930.
1947 : création de la Licence de psychologie à 4 certificats, cette licence est exigée à l’entrée de l’Institut à partir de 1967.
1969 : à partir de la Loi Edgar Faure, création progressive d’Unités d'enseignement et de recherche de psychologie (UER de Paris V et UER de l’Institut de psychologie).
1993 : Fusion des deux UER.
1998 : l’Institut quitte les locaux très étroits de la rue Serpente pour déménager à Boulogne-Billancourt, y regroupant par là même tous les enseignements et pratiquement aussi tous les laboratoires.
Au déjeuner, un moment d’échanges et de rencontres très appréciés fut organisé autour d’un cocktail « déjeunatoire » réparti sur différents niveaux, à l’intérieur comme à l’extérieur, à la faveur de cette journée ensoleillée.
L’après-midi offrit un panorama des offres de formation et des enjeux de la recherche dans les sept laboratoires actuels, avec une place particulière pour la Bibliothèque.
En effet, Les sorts de l’Institut et de la Bibliothèque Henri Piéron (présentée par Jean Guillemain) sont restés étroitement liés au cours de toutes ces années. La bibliothèque date de 1925. En 1999, à la faveur du déménagement de l’Institut à Boulogne-Billancourt, la bibliothèque, avec désormais 500 places assises et une superficie de 2000 m² rassemble les collections de psychologie jusque-là dispersées dans plusieurs bibliothèques, et ajoute le domaine de la sociologie. C’est une des plus grandes bibliothèques de psychologie en Europe. Elle s’inscrit maintenant, avec le développement de la numérisation, comme composante du CollEX-Persée[1].
Quelques chiffres maintenant :
L’Institut reçoit actuellement 3 500 étudiants en psychologie, sans compter les doctorants. Il comporte sept laboratoires de recherche avec notamment les thématiques : vision, mémoire, santé mentale, neuroéducation, psychologie clinique et pathologique dont les techniques projectives, créativité, régulation des menaces sociales….
Le « parcours sciences psychologiques » créé dans le cadre de la licence est très attractif, il reçoit 11 000 candidatures pour 620 places. Tandis que pour le Master, 2 965 candidatures sont reçues en M1 pour un effectif de 485 étudiants. En 2015, un DU (diplôme d’université) a été créé, pour aider les étudiants en difficulté à s’orienter, ou à se réorienter. Il reçoit 400 étudiants.
La journée se termina par les témoignages d’un certain nombre d’anciens étudiants spécialement invités, par l’intermédiaire de l’Alumni, montrant l’ouverture et la grande variété des parcours initiés par les études de psychologie.
L’importance du cerveau humain fut mise en avant par l’intermédiaire de quelques chiffres : nos 86 milliards de neurones composent un million de milliards de connexions (sans compter les circonvolutions, la vascularisation etc.), plus complexe que l’Internet mondial ! L’intelligence artificielle ne correspond qu’à une centaine de millions de neurones.
Et encore, ces données devraient être mises en relation avec les contextes socio-culturels… C’est dire que les voies de la connaissance et de la recherche en psychologie restent très largement ouvertes ! Olivier Houdé qui rapportait ces chiffres recommanda, pour l’avenir, « une psychologie plus inclusive, collaborative et transparente ».
Edith Lecourt
Professeure émérite de l’Université de Paris
[1] NDLR : réseau national de recherche entre bibliothèques favorisant l’accès documentaire à la communauté des étudiants et enseignants chercheurs.