Rapport sur les écrans : interdire ou éduquer ?

Actualités professionnelles le 13 juin 2024

 

Un rapport commandé par l’exécutif a été remis en avril dernier à Emmanuel Macron. Il préconise entre autres d’interdire l’usage des écrans avant 3 ans, du téléphone avant 11 ans et des réseaux sociaux avant 15 ans.

 

En France en 2022 [1], chaque foyer possédait 10 appareils numériques avec écran, et 89 % des 13-19 ans [2] avaient un smartphone. Les mineurs passeraient en moyenne trois heures sur un écran selon l’ANSES L’usage croissant d’Internet, des jeux vidéo et des réseaux sociaux par les jeunes est devenu un enjeu de santé publique. En novembre 2023, le Premier ministre Gabriel Attal a décrit la situation comme une « catastrophe sanitaire et éducative. »

Interpellé par la diffusion en ligne des images des émeutes de l’été 2023, le président Emmanuel Macron a réuni en janvier une commission pluridisciplinaire. Trois mois plus tard, les 10 membres, dont des addictologues, psychiatres, professionnels de la société civile ou de l’éducation rendent un rapport de 150 pages. « On a réalisé 150 auditions, de jeunes, d’experts » a expliqué Amine Benyamina, psychiatre addictologue qui co-présidait la Commission. Les conclusions visent à protéger les enfants en listant les effets néfastes d’une surconsommation d’écrans : impact sur le sommeil, sédentarité, surpoids, vue, neurodéveloppement, capacité d’attention, langage écrit, réussite scolaire et dépression.

Parmi les 29 propositions des membres : pas d’écrans avant 3 ans, pas de téléphone avant 6 ans, et pas de réseaux sociaux avant 15 ans - puis, uniquement sur des réseaux dit « éthiques ». Ils proposent un renforcement du Digital Services Act (DSA) européen, et une meilleure réglementation des designs prédateurs et algorithmes pour « inverser la charge » Un axe est également dédié aux alternatives aux écrans, à la place des jeunes dans l’espace public, et à leur santé. Le document, pensé « comme un guide à destination des familles » selon Amine Benyamina, pourrait aussi permettre aux ministères de revoir leur copie. Une nouvelle rencontre est prévue avec le président à la fin du mois de mai.

« Culpabilisant pour les parents », « catastrophiste », ou encore « pas scientifique », les voix qui s’élèvent [3] contre le rapport l’accusant de faire primer l’interdiction sur l’éducation - un débat récurrent en éducation aux médias et à l’information. Autres points de crispation, le manque de lien avéré entre la violence - à savoir les émeutes de 2023 - et les écrans, l’impasse sur les aspects potentiellement bénéfiques de ceux-ci et des mesures considérées comme difficilement applicables.

« C’est sans doute la résurgence des fantasmes d'auto engendrement, d’immortalité et de toute-puissance que s’inscrivent les aspects déshumanisants de la réalité virtuelle.» disait la psychologue Catherine Weismann-Arcache dans son article Que racontent les jeux vidéo ? en 2017. Elle concluait son enquête auprès de jeunes en actant: « Les écrans peuvent être « médiés », accompagnés par les éducateurs et partagés par les parents, faute de quoi ils demeurent des prothèses. » Cette perspective souligne l’importance d’une approche équilibrée et éducative plutôt que répressive face à l’usage des écrans par les jeunes.

Sophie Bourlet


[1] Edition 2022 du Baromètre du numérique.

[2] Etude IPSOS, Junior Connect’, Edition 2022.

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