C'est de ce sujet dont s'est emparée l'Agence nationale du médicament (ANSM) en constituant fin 2018, un panel de spécialistes rassemblés en Comité scientifique spécialisé temporaire (CSST). Durant un an, il reviendra à cette instance d'examiner la pertinence d’une mise sur le marché du cannabis thérapeutique en France. Pour cela, une étude minutieuse des données scientifiques est prévue, ainsi que des entretiens auprès de médecins et patients. Une trentaine de pays ont déjà émis un feu vert à cette pratique : le Canada, certains états Américains, l’Allemagne, le Royaume-Uni, etc. Le CSST bâtira aussi un panorama du fonctionnement ayant cours dans ces endroits du monde.
En psychopathologie, l'expression « cannabis thérapeutique » peut faire figure de pléonasme, et mérite des précisions. En service d'addictologie par exemple, le discours des patients nous enseigne l'usage thérapeutique inhérent à leur consommation pour tenter de se soustraire à des douleurs physiques, mais aussi morales. Le cannabis thérapeutique ici désigné ne serait pas synonyme d’un accès élargi au produit : il ne s'agirait pas de légaliser le cannabis dans l'absolu, mais de limiter son utilisation à certains cas. Fin décembre 2018, l'ANSM a émis un avis favorable à l’expérimentation dans les situations de « mauvaise tolérance ou de soulagement insuffisant des traitements en cours » pour les domaines de l’oncologie, des soins palliatifs, de la sclérose en plaques, de l'épilepsie sévère, des douleurs réfractaires aux thérapies accessibles. La première expérience clinique est sur le point de débuter à Marseille pour une trentaine de patients atteints de la maladie de Parkinson.
Le mode d’administration reste à déterminer, les recommandations excluent de fumer le traitement en raison de la nocivité des agents de combustion (et du rapprochement qui pourrait être fait avec un usage dit « récréatif » ?). D’autres voies seraient privilégiées dont l'effet serait plus rapide, et plus long comme le spray, les gélules, les patchs, les gouttes, etc. L’idée d’une délivrance dans des conditions semblables à la méthadone figure parmi les hypothèses envisagées.
Légaliser ou pas est une décision politique qui n’incombe pas aux psychologues. Toutefois, il est de notre ressort de questionner ce qu’un tel choix pourrait impliquer. Si reconnaître l’effet soulageant du cannabis pourrait permettre à certains patients une recherche de soulagement et un mieux-être, cette législation ne viendrait-elle pas mettre sous couvert les éventuels questionnements autour de la consommation, qui émergeait chez certains sujets, entre autres de part l’illégalité du produit ? La centration sur un diagnostic médical peut faire fi de la subjectivité, il semble important de ne pas éluder une réflexion au cas par cas sur les enjeux psychiques que peut revêtir une telle consommation.
Anabelle DANIS.
Pour aller plus loin :
Cannabis thérapeutique en France : les premières conclusions du CSST.