Dossier : journal des psychologues n°251
Auteur(s) : Chanu-Joly Leslie, Cornut Laure, Petitjean Cyrille
Présentation
Le bilan de compétences est aujourd’hui un véritable outil de gestion des compétences. Élément d’un droit nouveau (1991), il donne aux actifs, salariés ou non, la possibilité de faire le point, librement et confidentiellement, sur leurs acquis et leurs attentes dans la finalité d’élaborer un projet professionnel. Mais de quelle manière un suivi de bilan de compétences aide-t-il à discriminer les éléments moteurs à la mise en œuvre des projets ?
Mots Clés
Détail de l'article
Ce dispositif, susceptible d’aider les personnes à réfléchir sur elles-mêmes, sur leurs compétences et leur futur professionnel, apparaît comme un élément clé de l’adaptation des personnes au monde du travail. Tout au long de cette réflexion, en collaboration avec un conseiller, le bénéficiaire élabore la question de son devenir au sein de la sphère professionnelle.
Le déroulement de ce dispositif d’accompagnement s’inscrit dans un cadre législatif précis. Il prévoit notamment, en aval du travail, la réalisation d’un suivi des bénéficiaires à six mois.
Les CIBC du Languedoc-Roussillon sont particulièrement attentifs et intéressés par ce travail de suivi qui leur permet à la fois d’améliorer leurs pratiques et de communiquer sur les effets et l’utilité du bilan auprès des financeurs, des salariés et de leurs partenaires locaux et nationaux.
La question du suivi des bilans terminés
Au cours de notre pratique, nous avons constaté que la durée de six mois écoulée avant que n’ait lieu le suivi est un délai souvent trop bref pour permettre la mise en œuvre complète des projets. Les bénéficiaires sont encore, pour beaucoup, en cours de démarche. En témoigne notamment l’anticipation nécessaire aux demandes de congé individuel de formation (ex. : six mois avant le début de la formation). Ainsi, lorsque les personnes n’ont pas eu le temps de mettre en place les démarches du plan d’action, il est difficile d’acquérir une bonne lisibilité. Des éléments peuvent jouer comme moteurs ou freins dans l’élaboration du projet, avec l’ensemble des effets induits par le travail de bilan sur le bénéficiaire. C’est pourquoi, l’idée de réaliser une enquête de suivi conciliant des temps de suivi différents nous est apparue comme un moyen nécessaire pour étudier d’une façon plus globale la question du suivi des bénéficiaires. En combinant la réalisation de suivis respectant le délai légal de six mois avec des suivis à plus long terme (à un an et plus), l’objectif était double : acquérir une perception générale des éléments qui peuvent intervenir comme moteurs ou comme freins dans la mise en œuvre des projets, saisir les effets induits par le travail de bilan au-delà de la mise en œuvre effective de leur projet.
À terme, la finalité de cette étude s’inscrit dans le cadre d’une optimisation de la prestation bilan de compétences. L’hypothèse était qu’il existe un lien entre les effets du bilan et des éléments perçus comme moteurs dans la mise en place des projets. Pour les conseillers, l’enjeu est d’avoir à l’esprit les éléments facilitant la réalisation des projets afin d’y rester vigilant et tenter de les actionner.
Cadre juridique du bilan de compétences
Principe législatif
Depuis 1991, le bilan de compétences est un droit pour le salarié et le demandeur d’emploi, leur permettant d’analyser leurs compétences professionnelles et personnelles ainsi que leurs aptitudes et leurs motivations, afin de définir un projet professionnel. La réalisation du bilan de compétences exige le recours à des intervenants extérieurs, dans un centre prestataire. Il est régi par trois textes qui sont codifiés par le code du travail. L’accord interprofessionnel du 3 juillet 1991, signé par les partenaires sociaux, permet d’inscrire dans le texte de loi la reconnaissance d’un droit individuel, pour tous les salariés, à faire évaluer leurs aptitudes personnelles et professionnelles. La loi du 31 décembre 1991 précise que les actions permettant de réaliser un bilan de compétences entrent dans le champ d’application des dispositions relatives à la formation professionnelle continue. Cette loi précise également les conditions de réalisation d’un bilan de compétences, et les modalités d’ouverture du droit au congé bilan de compétences. Les décrets du 2 octobre 1992 fixent les modalités de mise en œuvre et de fonctionnement des actions de bilan de compétences prévues par la loi du 31.12.91. Ils fixent le contenu du bilan et créent l’obligation de la signature d’une convention tripartite entre le salarié, l’organisme prestataire de bilan et le financeur du bilan. De plus, les décrets indiquent que le centre de bilan doit répondre à des critères de qualité, et qu’il doit figurer sur une liste d’établissements habilités par les organismes paritaires chargés du respect des règles.
Éléments de la pratique du bilan de compétences
Le cadre juridique précise les modalités de déroulement du bilan de compétences. Il s’étend sur une durée comprise entre seize et vingt-quatre heures, réparties sur dix à douze semaines. Il se réalise sous la forme d’entretiens individuels, d’évaluations, portant sur les motivations, les compétences, les connaissances et la personnalité, instrumentalisés par différents supports (questionnaires, tests…) et complétés, si nécessaire, par des démarches de recherche d’informations sur les métiers, les formations, le marché de l’emploi. Il est réalisé dans le cadre défini par les articles du code de travail (articles R.900-1 à R.900-7) selon les phases suivantes :
• La phase préliminaire : c’est une phase de préparation, première prise de contact entre le conseiller et le bénéficiaire. Le conseiller analyse la demande du bénéficiaire, explique les règles déontologiques liées à la prestation. Cet entretien a pour objet de définir et analyser la nature des besoins exprimés par le bénéficiaire, d’en vérifier l’adéquation avec la démarche de bilan, d’informer sur le déroulement de la prestation et les moyens utilisés, et de confirmer l’engagement du bénéficiaire dans sa démarche de bilan.
• La phase d’investigation : elle doit permettre au bénéficiaire de cerner ses motivations et intérêts professionnels et personnels, d’identifier ses compétences et aptitudes à travers l’analyse de ses expériences professionnelles et personnelles et de déterminer des hypothèses professionnelles.
• La phase de conclusion : elle a pour finalité de construire un argumentaire au regard du projet ou des perspectives professionnelles, établir les principales étapes de la mise en œuvre de ce projet. Elle donne lieu à la production d’un document retraçant les étapes réalisées par le bénéficiaire pendant le bilan : la synthèse du bilan.
Le bénéficiaire est le seul destinataire des conclusions du bilan et du document de synthèse. Lui seul décidera de la communiquer à une tierce personne.
Ce dispositif législatif est dense et prévoit également un suivi des bénéficiaires. Cette phase est prévue six mois après la fin du bilan et peut être réalisée par un entretien individuel ou la passation d’un questionnaire d’évaluation. À ce stade, les conseillers bilan peuvent constater l’état d’avancement du projet, cerner les apports du bilan pour le bénéficiaire, recueillir des retours sur la qualité de la prestation fournie et apporter une aide à la personne dans la poursuite de ses démarches, si besoin.
Méthodologie
La population étudiée, quant à notre enquête sur le suivi des bilans qui sont terminés, est composée d’un échantillon de quatre-vingt-quinze salariés ayant effectué un bilan de compétences à leur initiative, entre 2000 et 2004, dans le cadre d’un congé individuel dans un des CIBC de Nîmes ou Montpellier. Parmi eux, soixante-quatre personnes ont été interviewées six mois après la fin de leur bilan et trente et une personnes à un an et plus. La méthodologie d’enquête utilisée s’articule à deux niveaux :
Approche par questionnaire
À partir d’une analyse biographique et d’entretiens exploratoires, nous avons élaboré un questionnaire de suivi de la prestation bilan de compétences. Afin de vérifier si l’outil d’enquête était bien approprié, nous avons effectué un prétest auprès de dix personnes (hors échantillon). Ce prétest nous a permis d’observer si les questions étaient comprises par les personnes interrogées, de tester la pertinence des questions et d’obtenir un avis critique des salariés interrogés. Après quelques modifications apportées en ce qui concerne la formulation de certaines questions, l’outil a été retenu. Il a été diffusé auprès de quatre-vingt-dix bénéficiaires : soixante-quatre réponses en retour ont été exploitées.
Approche par entretien semi-directif
Pour interroger les bénéficiaires ayant réalisé un bilan dans le cadre du congé individuel au cours des années 2000, 2001 et 2002, nous avons opté pour des entretiens individuels semi-directifs. Cent trois personnes ont fait l’objet de l’envoi d’une lettre d’invitation à l’entretien de suivi dont douze ont été retournées à l’expéditeur. Sur les quatre-vingt-onze courriers reçus, trente et une personnes se sont manifestées auprès du CIBC et sont venues constituer la deuxième partie de cet échantillon. La totalité des données a été recueillie de manière qualitative au moment d’un entretien semi-directif avec chaque personne. Par ailleurs, nous avons effectué une analyse de contenu thématique de notes prises en entretien. Ces deux approches nous ont permis d’obtenir des données quantitatives basées sur des calculs d’effectifs et des données qualitatives traitées à partir des contenus des entretiens. L’illustration de ces données qualitatives combinées avec les résultats quantitatifs permet d’avoir un éclairage des effets du bilan.
Nature du projet (effectif) | Fin de bilan | À 6 mois | À 1 an et plus | Total suivi |
Évolution professionnelle – même secteur | 39 | 12 | 7 | 19 |
Reconversion professionnelle complète | 24 | 5 | 3 | 8 |
Reconversion partielle | 9 | 3 | 2 | 5 |
Poursuite de l’emploi actuel | 15 | 17 | 11 | 28 |
Obtention d’un emploi similaire en externe | 8 | 9 | 5 | 14 |
Perte d’emploi (licenciement, démission...) | 0 | 8 | 3 | 11 |
Tableau 1 : Type de projet formulé en fin de bilan (N=95)
Résultats
La mise en œuvre du projet élaboré
Quelques constats statistiques : la nature des projets formulés en fin de bilan et des actions intermédiaires identifiées dans le plan d’action pour y parvenir est mise en parallèle avec l’état d’avancement de ceux-ci au moment du suivi.
Pour la majorité des répondants, le projet professionnel prend la forme d’une évolution, c’est-à-dire une envie d’accéder à un poste avec plus de responsabilités ou d’accroître leur niveau de qualification. 25,3 % souhaitent s’orienter vers un métier très différent de celui qu’ils exercent. Au moment du suivi, on observe que les reconversions professionnelles se concrétisent plus rarement que les perspectives d’évolution.
Le projet professionnel défini prévoit majoritairement la réalisation d’actions de formation (45,3 %) ou de validation des acquis expérientiels (VAE) (20 %). Au moment du suivi, on constate (cf. : tableau 2) que le passage par une formation est nécessaire pour 43 personnes sur les 95 personnes ayant des projets élaborés durant le bilan. Au moment du suivi, elle est réalisée ou en cours, pour 32 sur 43. Cependant, on observe que le délai à six mois ne suffit pas pour concrétiser les actions de formation. En effet, aucune personne n’a réalisé sa formation, pour l’échantillon interrogé à six mois.
En ce qui concerne la VAE, les résultats montrent qu’à partir du moment où elle a été définie et choisie en bilan (19 personnes sur 95), les personnes s’y engagent majoritairement (14/19). La démarche de VAE nécessite, elle aussi, un temps de mise en œuvre, puisque seulement deux personnes interrogées à un an et plus ont pu réaliser et conclure cette action.
Les éléments moteurs et freins à l’œuvre dans la réalisation du projet
À partir de l’analyse de contenu des discours, tenus par les bénéficiaires en réponse aux questions, l’évolution de leur situation professionnelle (par une question ouverte dans le questionnaire à six mois et une explicitation plus approfondie lors des entretiens), les éléments recueillis révèlent que les variables, intervenant comme frein ou moteur dans la conduite, appartiennent à deux grandes familles : la première des variables est extrinsèque à l’individu, l’autre est au contraire intrinsèque à l’individu.
Les moteurs d’influence face à la réalisation du projet :
• Moteurs extrinsèques : La disponibilité par rapport à l’emploi ; les opportunités (création de poste, mouvement interne…) ; le réseau relationnel (appui) ; les actions de recherche d’emploi ; les actions d’apprentissage et de qualification.
• Moteurs intrinsèques : Des traits de personnalité (communicatif, force de conviction, aisance relationnelle...) ; l’appropriation du projet ; la confiance en soi ; la motivation ; la mobilité géographique.
• Freins extrinsèques : Un secteur d’activité choisi ; l’inadéquation entre les exigences du poste recherché et les attentes ; les contraintes liées au quotidien (moyen financier, responsabilités familiales…) ; les obstacles du « système » (refus de financement, délai, refus d’autorisation d’absence, arrêt de contrat…).
• Freins intrinsèques : La crainte du changement ; la non-disponibilité (attachement entreprise, événements familiaux…) ; les caractéristiques de la personne ; une réévaluation des priorités personnelles ; une mobilité géographique.
Actions intermédiaires envisagées |
État d’avancement |
À 6 mois | À 1 an et plus | TOTAL |
Formation (pour 43 personnes) |
Réalisée | 0 | 12 | 12 |
En cours | 20 | 1 | 21 | |
Abandon | 5 | 5 | 10 | |
TOTAL | 25 | 18 | 43 | |
VAE (pour 19 personnes) | Réalisée | 0 | 2 | 2 |
En cours | 10 | 2 | 12 | |
Abandon | 4 | 1 | 5 | |
TOTAL | 14 | 5 | 19 |
Tableau 2 : État d’avancement des actions de qualification (N=95)
Les effets du bilan
Abordés avec trente-quatre bénéficiaires, sous la forme de la question suivante : le bilan a-t-il eu des effets sur vous ? et, si oui, lesquels ?
L’analyse de contenu des éléments de discours a permis de mettre en avant des effets de nature différente et de les catégoriser selon deux grandes dimensions : une dimension psychologique : le travail de bilan entraîne des effets au niveau psychologique, une dimension « action » : le travail de bilan paraît avoir des conséquences sur les actes, les actions des bénéficiaires. On a pu constater que ces effets touchent le plan professionnel, mais également un niveau plus personnel.
• La dimension psychologique
La connaissance des « possibles » professionnels : faire un bilan de compétences apporte une meilleure connaissance de l’environnement sur les différents métiers existants, les diverses formations et les possibilités d’y accéder. Le travail d’exploration effectué pendant le bilan permet de réduire les zones d’incertitude quant à l’environnement. Ainsi, les gens peuvent se projeter vers des « futurs possibles ». « Il m’a permis d’imaginer d’autres possibles et de confirmer différentes impressions. »
Une meilleure connaissance de soi : pour beaucoup, le travail de bilan a permis d’identifier des atouts, des ressources potentielles, mais également des points de vigilance. À travers les différents discours, cette meilleure connaissance de soi apparaît sur le plan professionnel, mais aussi sur des dimensions personnelles. « Grâce aux multiples introspections que le travail de bilan a, directement ou indirectement, suscitées en moi, j’ai pu déterminer avec lucidité mes atouts et mes points faibles. »
Un temps de pause : le déroulement du bilan et ses conditions de réalisation (durée dans le temps, individualisation) sont vécus par les bénéficiaires comme un temps particulier. « Le bilan est une bouffée d’oxygène. »
Une réappropriation (et réévaluation) de son activité : beaucoup de personnes en début de bilan vivent un fort malaise dans leur situation professionnelle. « Plus rien ne va et je ne veux plus faire ça. » Il apparaît que le travail de bilan peut modifier la perception que les gens ont de leur fonction. Parler de son activité, des conditions d’exercice à un tiers extérieur, apparaît comme un moyen pour réévaluer son activité et parfois se la réapproprier. « Il m’a permis d’augmenter les éléments objectifs pour apprécier mon activité. »
Une plus grande confiance en soi : de façon très consensuelle, le dispositif du bilan de compétences apporte aux personnes un regain de confiance en elle. « Ça m’a rassuré sur mes acquis. Le bilan m’a mis en confiance. J’en ai été très content. »
Une dynamisation psychologique : le dispositif de bilan apporte aux bénéficiaires la volonté de se remobiliser sur un projet. Le travail de bilan semble une étape importante de la dynamique de changement. Les bénéficiaires en ressortent comme « dynamisés » psychologiquement : le bilan est une aide à la décision, à l’action, « […] de me lancer dans une dynamique de projet et d’y croire même si ce dernier n’est pas encore mis en œuvre ».
• La dimension « action »
Des démarches réalisées : il s’agit des démarches que le bénéficiaire a mises en œuvre, par suite du bilan de compétences, et pour lesquelles le travail de bilan a été essentiel : démarches de formation, de VAE, de recrutement, de recherche d’emploi, « […] de recadrer mes démarches de recherche d’emploi ».
Des productions : verbaliser ces activités au cours de bilan permet de formaliser ses tâches, allant jusqu’à l’élaboration de fiches de poste. « Le bilan a été un travail […] de formalisation de mon travail. »
De nouvelles pratiques : pour certains, le bilan a eu des incidences sur leur manière d’agir, de se mettre en actes. Faire le bilan a entraîné une modification dans leurs pratiques professionnelles et personnelles. « […] découvrir mes capacités de mettre en place des stratégies. Découverte de compétences que j’utilise aujourd’hui dans mon activité de management. »
Des étapes de parcours professionnels : le bilan de compétences fait partie intégrante du parcours professionnel. Il permet de faire un retour sur le parcours réalisé (l’avant-bilan) et de construire le devenir professionnel (l’après-bilan). « Le bilan m’a servi d’outil de mesure du chemin de mon évolution jusqu’à aujourd’hui. »
Discussion et conclusions
Selon les professionnels qui se sont intéressés à la question du changement et notamment ceux de l’école de Palo-Alto, tout changement doit d’abord passer par une reconstruction de la réalité (Watzlawick, 1978). Qui dit changement, dit nouvelle lecture de la réalité. Dans ses effets, le bilan permet bien aux bénéficiaires de transformer certaines de leurs représentations – liées au contexte professionnel, à leur poste, à leurs propres compétences et ressources. Seul ce travail de réappropriation va permettre aux personnes de dynamiser leur changement. Selon les auteurs, le changement procède bien d’une réinterprétation des données envisagées comme problématiques. Agir sur la dimension psychologique est une étape clé dans la mise en œuvre des comportements de changement : il est nécessaire de travailler sur une dimension subjective pour avoir des résultats objectifs. Le bilan contribue à ce lien de causalité : les effets psychologiques du bilan (mis en avant dans de nombreuses études) apparaissent comme primordiaux dans la mise en œuvre des effets « actions ». Insérée dans le dispositif du bilan, la personne va petit à petit modifier la perception de son activité, de ses compétences, de l’environnement (cf. liste des effets psychologiques du bilan). Cette modification est essentielle à la mise en route des actions de la personne dans son environnement.
Comme nous avons pu le constater à travers notre étude, la réalisation ou la non-réalisation de ce projet professionnel est dépendante de la conjonction de plusieurs facteurs. Au cours de la mise en œuvre de ses démarches projet, la personne peut se retrouver confrontée à des obstacles de nature très différente (cf. liste des éléments freins extrinsèques et intrinsèques). Un des objectifs du travail de bilan est certainement de réduire le nombre de ces freins. Toutefois, certains paramètres influant dans la réalisation du projet et notamment des paramètres extérieurs ne pourront jamais être anticipés. Et, pour cela, même si le conseiller a pour mission de renseigner le bénéficiaire sur la faisabilité de son projet, il ne pourra jamais être garant de sa réussite. En parallèle de ces éléments freins, la personne peut « bénéficier » d’un certain nombre d’éléments moteurs très divers (cf. liste des éléments moteurs extrinsèques et intrinsèques). Il est intéressant de constater que certains effets du bilan (cf. les effets du bilan) apparaissent aussi comme éléments facilitateurs dans la mise en œuvre du projet. Le travail de bilan influe sur des éléments tels que la confiance en soi, la motivation, la connaissance de soi, de ses « possibles » professionnels… Ces facteurs se retrouvent comme des éléments clés du parcours de changement. Ils permettent aux bénéficiaires du bilan de dynamiser et construire ce mouvement vers leur futur professionnel.
Le bilan est un temps, un espace, où vont s’activer des facteurs essentiels à l’élaboration d’un projet et où certains obstacles à ce projet vont se réduire, voire disparaître. Cependant, il serait utopique de dire que la réussite d’un projet peut se jouer exclusivement dans « l’enceinte du bilan ». Malgré une vigilance apportée à cette dimension pendant le travail de bilan. Les paramètres extérieurs seront déterminants dans la mise en œuvre ou non du projet. L’environnement peut dresser des obstacles au projet comme au contraire être source d’opportunités pour le mener à bien. Si l’on se repositionne dans les différents récits des participants à notre étude, il est flagrant que c’est de la combinaison de facteurs de nature très diverses – freins et moteurs, objectifs et subjectifs, psychologiques et pratiques – que va dépendre l’accomplissement du projet de la personne. Ces divers éléments interviennent avec des niveaux « d’influence » différents : si les freins sont plus élevés que les moteurs, le projet ne sera pas mené à bien. Au contraire, si les moteurs sont plus puissants que les freins, le projet pourra aboutir.
Le bilan apparaît comme une démarche singulière dans la construction du « futur professionnel ». Au cours de cet accompagnement, il est primordial que le professionnel soit vigilant à l’assimilation des ressources du bénéficiaire par lui-même. Le travail sur les représentations de soi et de son environnement, stimulé par le questionnement du praticien, participe activement à la reconstruction de la dimension subjective : image de soi, appropriation de ses ressources et compétences, vision des possibles… éléments qui permettent d’engager le changement et qui peuvent faciliter sa conduite au-delà des aléas rencontrés. ■
BibliographieLevy-Leboyer C., 1993, Le Bilan de compétences, Éditions d’Organisation, Paris. |