Dossier : journal des psychologues n°257
Auteur(s) : Briquet Laurent, Cantau-Ramenah Marie-Laure
Présentation
Dans un couple, de la rencontre à la transmission d’un héritage, le rapport à l’argent confronte chacun des partenaires à des tabous imaginaires, des conduites ambivalentes, face à cet objet de domination-soumission qui fonctionne selon des modalités multiples. Présent à toutes les étapes fondamentales de la vie d’un couple, la circulation de l’argent éclaire les positions subjectives ainsi que les modes de fonctionnement psychiques de chacun des sujets.
Mots Clés
Détail de l'article
Si la circulation de l’argent au sein du couple s’est modifiée de façon considérable avec la promotion d’un nouveau statut de la femme, considérée comme une mineure jusqu’à plus de la moitié du xxe siècle – jusqu’en 1965, la femme ne pouvait pas ouvrir un compte en banque sans son mari –, la clinique révèle néanmoins que le circuit de l’argent, aujourd’hui encore, n’est pas pour autant débarrassé d’affects et de fantasmes. L’indépendance financière des femmes n’a pas établi de relations symétriques dans le couple en ce qui concerne la circulation de l’argent. La fantasmatique de l’argent reste fortement corrélée à l’inconscient infantile et aux structures de personnalité, ainsi qu’à l’historicité familiale du rapport à l’argent.
Un certain faux discours transatlantique tendrait à vouloir définir un rapport à l’argent plus sain, plus transparent, moins chargé de tabous qu’en Europe. Mais c’est oublier que l’exposition d’une chose au su de tous ne lui soustrait pas pour autant sa part inconsciente.
Si l’on peut concevoir l’existence de liens à l’argent dans l’expression psychopathologique et l’alimentation de la structure de l’adulte par les stades infantiles mis en lumière par Freud, on peut alors souscrire à l’idée que le rapport à l’argent est fortement prédéterminé par la phase anale du développement. Dès lors, la possibilité d’aborder le rapport à l’argent sur un versant structural nous paraît appropriée.
Nous proposons tout d’abord l’hypothèse d’une typologie non exhaustive des modalités de circulation intersubjectives de l’argent au sein des couples.
L’argent sur le mode hystérique
C’est en fait adresser une demande et ne jamais en accepter la réponse : ce n’est jamais assez, ce n’est jamais « ça ». C’est le cas de figure précis où l’acceptation du receveur entraîne le mépris du donateur par clôture précoce du désir du receveur. Dans cette configuration névrotique, la symbolique de l’argent est toujours l’expression d’une motion inconsciente puissante (une demande d’amour).
L’argent sur le mode obsessionnel
C’est la transformation d’un don en achat téléguidé utilitaire pour le donateur. Celui qui donne ou offre avec ce modèle se doit d’être à la fois l’instigateur et le cobénéficiaire du don. En tant que donateur et futur receveur par voie détournée, l’objectif est l’acquisition, la transformation du don en objet contrôlé-contrôlable.
La problématique essentielle du côté du financier est : « Je veux savoir où j’en suis. » La valeur des choses est sans cesse réévaluée, vérifiée, et l’obsession comptable contamine tout le relationnel. La compulsion du chiffre s’établit comme repère incontournable et répété pour le sujet.
L’argent sur le mode pervers
Sur ce mode, il est constaté l’objectalisation de l’autre par désintrication affective de la demande. L’argent peut tout acheter, il devient corrosif pour l’idéal du Moi de l’autre. Il entraîne à la fois la mise en marche d’un processus de dénarcissisation chez le conjoint manipulé et un accroissement du pouvoir exercé par le sujet pervers.
La recherche de jouissance caractérise les dépenses en suscitant l’excès aux deux extrêmes, dans le trop comme dans le trop peu. Le déni de l’intention empêche toute remise en question d’un fonctionnement basé sur l’affaiblissement de l’autre.
L’argent sur le mode état limite
C’est l’argent affectif absolu. Dans ce cas, la personne donne énormément et de façon disproportionnée. Bien souvent, la circulation de l’argent n’a pas trouvé sa symbolique dans le registre de la maîtrise et des échanges sociaux intersubjectifs. « Femme-enfant » restée dans le désir du Père ou « homme inassumé » peu enclin à la prise de responsabilités, quoi qu’il en soit l’immaturité affective domine ces échanges.
L’argent sur le mode psychotique
Ce rapport à l’argent est essentiellement marqué par l’effondrement du principe de réalité. Ainsi, dans l’exemple de la dépense maniaque de la psychose maniaco-dépressive (pmd), l’agir compulsif s’inscrit dans le cadre d’une désinhibition générale et d’une inefficience surmoïque.
D’une façon générale, le rapport à l’argent relève du passage à l’acte. Il perd de son assise symbolique pour n’être plus qu’un Réel au sens lacanien du terme. Dans cette configuration pathologique, le symptôme compulsif est caractérisé par l’angoisse d’un sujet envahi par des émotions incontrôlables, et l’apaisement de cette angoisse survient au moment même où le sujet paye ses achats. Bien souvent, l’accumulation de ces achats et leur inutilité fonctionnelle interrogent directement l’hypothèse d’une problématique de l’avoir et d’une intolérance à la frustration, en rapport avec une « psychotisation » précoce du lien mère-enfant.
La circulation de l’argent : entre finitude et infinitude
Ces différents modes, selon le fonctionnement singulier de chacun, s’entrecroisent, s’interpénètrent. Un courant dominant ne vient pas signer une relation typique définitive à l’argent. Les aléas de la vie, les rencontres avec l’autre, peuvent produire des remaniements psychiques suffisamment importants pour que le sujet appréhende les objets de façon différente.
Le rapport du sujet à l’objet nous conduit à prendre en considération deux paramètres : d’une part, la complexité du rapport entre le monde fini et le monde infini ; d’autre part, le fait que le sujet articule sa dimension psychique autour de l’axe de la satisfaction, l’objet de la satisfaction n’est, de fait, pas donné.
Le rapport à l’argent, donc à l’objet partiel capable de satisfaire, entraîne le sujet à la frontière de ces deux mondes : tout d’abord, le fini, création par l’être humain d’une réalité au sein de laquelle il peut vivre son humanité, c’est-à-dire une réalité toute dans le langage, les théories et le partiel. En effet, en se saisissant du partiel, l’homme va tenter d’expliquer la totalité qui demeure toujours inaccessible. Ensuite, le monde infini, l’univers, ce que l’homme occidental croit atteindre par le « toujours plus », échappe inlassablement par quelque chose d’un « plein » sans possibilité d’accroche. Dans ce monde total, point de manque ou de vide, tout est plein. Si le rapport à l’argent s’appuie sur la fluidité de sa circulation, l’argent peut se compter à l’infini. Il remplit, il peut faire du plein dans le monde fini, mais il vient alors rebondir sur la possibilité du manque ; en cela, il s’accorde au fonctionnement du désir qui redémarre toujours, puisque toujours insatisfait.
Le signifiant « je me suis refait », utilisé pour définir une embellie financière après de lourdes difficultés, exprime bien la proximité du sujet et de son rapport à l’argent. La perte d’argent, sorte d’hémorragie, vient dé-faire quand le gain vient re-faire. Cette vision des choses est bien validée par le courant de pensée dominant, ce qui vient fragiliser le sujet dans son fonctionnement psychique et le limiter dans ses choix amoureux. Un(e) prétendant(e) peut être éliminé(e) du simple fait qu’il-elle soit en position de dé-faite.
Le rapport à l’argent sur son versant fortement hystérique consiste à s’éloigner des congénères pauvres, à écarter celui qui est dé-fait, par peur d’une possible contagion. Il porte malheur, corollaire du célèbre « l’argent appelle l’argent ». Le matérialisme le plus aigu n’échappe pas à l’irrationalité dans le rapport à l’argent. Quelque chose du primitif, au sens du fonctionnement psychique, s’en mêle toujours.
La divinisation de l’argent qui, imaginairement, vient assurer le sujet que tout ira bien quand il en aura, de l’argent, vient jeter une lumière très crue sur une problématique de notre siècle déjà très justement soulevée par Philippe Julien : la forclusion du sujet. Il explique cette forclusion par l’importance, dans le discours social, de se faire un nom et d’avoir pour interlocuteur le plus grand public qui soit.
Pour y parvenir, le sujet n’hésite pas à recourir au meurtre. Sujet qui, aujourd’hui, pour être vivant et entendu, doit épouser l’idée dominante de la conjoncture, celle qui, dans le cas qui nous occupe, désigne la valeur de l’argent et celle du sujet dans son rapport à celui-ci.
La divinisation de l’argent vient se heurter à sa matérialité : s’il charrie des croyances, il n’est pas porteur d’une foi. S’il crée de la perversion, c’est qu’à un moment, dans la psychogenèse, dans les phénomènes de transmission, une sape de la différence a pu exister : « en avoir / ne pas en avoir ».
« En avoir » était l’unique condition à la jouissance d’autres objets. Être dé-fait, donc « ne plus en avoir », pose alors le sujet hors d’une possibilité de jouissance. La divinisation de l’argent rassemble le concept autour de l’objet partiel sur le mode du fétiche. C’est lui qui ouvre la voie à une possible jouissance, à une satisfaction par l’objet, mais sans sa destruction.
Le couple est à la charnière d’une rencontre entre le rapport individuel à l’argent et le rapport collectif inscrit sous une désignation dominante. Le couple est donc décidément bien peu libre, pris dans ses réseaux d’influence souvent mortifères qui l’impliquent dans une logique du « faire », du factuel, du paraître, au mépris d’une élaboration singulière, d’une historicité, où le sujet, d’un point de vue ontologique, serait en sens, c’est-à-dire dans une symbolique civilisatrice et humaine.
Ainsi en témoigne le paradoxe de ces sujets qui sont allés d’échecs en échecs conjugaux, alors qu’ils jugeaient leurs couples à l’aune de la valeur de l’argent et qui, ensuite, purent s’épanouir auprès d’un conjoint dé-fait ou bien quand eux-mêmes le sont devenus.
L’argent dans les nouvelles modalités de rencontre
Parmi les nouveaux modes de rencontre en plein essor, on ne peut ignorer les sites de rencontre sur Internet, en particulier les chat et autres forums de discussion relayés ensuite par les échanges de sms en toute virtualité.
Sous des apparences très modernes, censées soulager le débordement d’activités socioprofessionnelles du citoyen moyen, ces modalités de rencontre sont en fait la réactivation de schémas très traditionnels. En témoigne la gratuité de l’accès à de nombreux sites pour les femmes qui, en s’inscrivant, accèdent ainsi à un véritable vivier d’hommes.
Ce faisant, la femme entre de plain-pied dans une jouissance hors castration, où elle se figure être l’objet de toutes les séductions. En payant l’accès, l’homme, quant à lui, achète sa disponibilité qui participe de la surenchère phallique d’accès à l’autre sexe.
Dans de telles conditions, les critères de choix amoureux se complexifient du côté de la femme qui censure les postulants au motif de leur manque d’efficience, entraînant ainsi le début d’une quête sans fin. La femme n’ayant pas à monnayer sa propre disponibilité, l’asymétrie relationnelle ne laisse de place qu’à l’hystrionisme sans autre perspective que le non-lieu du lien à l’autre.
On observe ainsi comment l’argent peut également déterminer la manière dont se forment les couples qui vivent encore aujourd’hui dans la parfaite illusion de l’égalité de deux êtres faisant chacun un pas vers l’autre.
Les représentations de l’argent doivent-elles alors être les mêmes pour que le couple fonctionne ou peut-on parler d’une complémentarité ? Sur ce point, nous pensons que la fonctionnalité conjugale dépendrait davantage de pouvoir aboutir à un compromis initial sur la question financière et sa gestion au sein du couple.
L’argent pour colmater les brèches conjugales…
Nous abordons, à présent, l’utilisation de l’argent destiné à la compensation inconsciente de nos propres failles. La différence des sexes se rappelle aux individus en plaçant la femme « pas toute » dans la jouissance phallique et en lui laissant accès à une jouissance hors langage.
Quelque chose de la femme en éternelle demande se révèle et révèle du même coup l’alternance « tumescence-détumescence » masculine. Il s’ensuivrait des comportements de don pour palier les détumescences chez l’homme.
De la même façon, du côté de la femme phallique, nous savons que l’enlisement dans le complexe de masculinité et la conflictualisation œdipienne ouvrent à des réalités telles que le tourisme sexuel ou la recherche d’hommes plus jeunes. En la matière, nous assistons à la disparition d’un tabou ancestral. Ainsi, plus vite qu’il n’y paraît, la connotation incestueuse devient la mode incestuelle, et la femme en quête d’hommes jeunes devient dangereuse pour toutes les autres. En défiant les lois du temps, elle impose une tyrannie sadique interféminine et non satisfaite d’obtenir l’objet monnayé du désir, elle exerce avec plaisir la privation à l’adresse de ses semblables.
L’argent véhicule énormément d’affects en amour, et il n’est pas rare que le degré d’attachement en arrive à être corrélé soit au montant du bien reçu (« Une bague de 35 carats, il m’aime vraiment ; »), soit à l’engagement verbal des projets d’acquisition au nom de l’objet d’amour et à son adresse (« Quand j’aurai ma promotion, je t’offrirai ce voyage »).
Très ancrée dans le désir féminin, la démonstration que l’homme a le phallus, donc l’argent au même titre que la virilité ou la puissance, est tout à fait déterminante.
Choisir un partenaire nécessite des renoncements sur lesquels on ne doit pas revenir sans cesse. En effet, dans un couple, quand on cherche à évaluer le prix de ces renoncements, on commence à douter de sa valeur.
De l’asymétrie des moyens financiers entre deux partenaires risque de naître l’achat de la constance du moins riche qui incarne alors le sacrificiel, néanmoins masochiste, par les facilités que lui apporte l’argent et qui engourdissent tout autant son désir d’indépendance.
Le couple et l’argent de l’héritage : la primauté du symbolique
Concernant la circulation de l’argent dans le couple, nous ne pouvons ignorer la si-tuation particulière de l’héritage qui élargit le rapport à l’argent aux descendants du couple ou de l’un des conjoints.
Maints notaires rodés à cet exercice peuvent témoigner de la brutale transformation des proches dans leur comportement, les uns envers les autres, et tout autant de la réactivation de conflits anciens, soit entre eux, soit entre eux et le défunt.
La psychanalyse, en mettant en lumière le sujet dans son aspect transgénérationnel, vient révéler la valeur symbolique de l’héritage matériel, et surtout sa haute importance pour les sujets concernés, qu’ils soient héritiers ou non.
Dans une perspective psychanalytique, nous pouvons considérer que le décès d’un être ne signifie pas sa finalité dans la société des hommes : quelque chose de son désir par la situation de l’héritage va venir se dire et interroger ses proches.
Ainsi, un exemple : Pascal, cinquante-quatre ans, chef d’entreprise, vit séparé de sa femme légitime depuis vingt ans. Il s’est installé avec Marie, mais passe ses week-ends chez son épouse. C’est sa façon de vivre depuis vingt ans. Il vient à décéder accidentellement. L’héritage revient alors à son épouse légitime et à leurs deux enfants. Pour Marie, il n’a rien prévu, ni compte bancaire, ni assurance vie, ni appartement. La brutalité du décès a valeur de traumatisme pour Marie, traumatisme auquel vient s’ajouter la violence d’une évidence : de l’homme qui a partagé sa vie depuis tant d’années, elle ne gardera rien. À la question de Marie : « Est-ce que je comptais pour lui ? » vient douloureusement faire écho le fait que Pascal ne lui a rien laissé qui se compte. Marie, jadis « la préférée », se sent aujourd’hui spoliée par la femme légitime, autrefois évincée.
Lorsque l’être aimé disparaît, la force et la valeur de son attachement à l’autre, qu’elles soient présumées ou fantasmées, se substituent imaginairement à la conséquence de ce qu’il lègue. En résultent des questions pouvant paraître incongrues dans une situation de deuil : qui a eu le plus ? à qui cela reviendra-t-il ? a-t-il fait un testament ?
Cependant, certains objets à forte teneur symbolique, sans avoir pour autant de valeur marchande, deviennent la cause de conflits sans merci (lunettes, vaisselle, pipe, etc.).
Ce sont les conjoints qui vont évaluer ce à quoi ils devraient avoir droit, compte tenu de leur affection ou de leur dévouement pour le défunt. Le décès réactive la revendication toujours latente du désir d’amour et du don. L’attitude du « ne rien vouloir » ne signifie pas que le sujet est en dehors de la revendication : il peut y être à un point tel que la part qui devrait lui revenir en héritage lui paraît d’une petitesse inacceptable. « Ne rien vouloir », c’est peut-être un « tout vouloir », soit la demande œdipienne d’un amour sans partage. L’héritage peut révéler une rivalité inconsciente entre le conjoint et les descendants.
La mort entraîne à tous les niveaux « un règlement de comptes » qui vient clore la vie humaine du sujet, tout en l’actualisant dans le monde parlé des défunts.
Par son décès, le conjoint subit une modification de place dans la chaîne générationnelle, laissant la place du Père vacante, mouvement symbolique qui prime sur le rapport imaginaire amoureux du couple.
La circulation de l’argent, nous le voyons bien, dépasse largement le cadre même dans lequel le défunt avait défini en conscience sa propre existence. L’argent serait-il alors un agent de l’inconscient, cet inconscient qui ne connaît ni le doute, ni la contradiction, ni la mort ? Serait-il un agent de la libido, organe invisible, dont les pulsations œuvrent pour assurer quelque chose de la circulation du sujet lui-même ?
Dans cette hypothèse, que le discours sur l’argent puisse être tabou au sein du couple et dans les rapports amoureux se comprend aisément : dans l’interrogation du rapport personnel à l’argent va se dire, immanquablement, quelque chose du sujet qui n’est pas nécessairement en adéquation avec les sentiments qu’il exprime pour un autre être, à savoir son ou sa partenaire.
Le rapport amoureux a ceci de très particulier qu’il produit du tabou pour pouvoir exister et qu’il s’élabore ainsi sur un leurre d’autofondation.
Conclusion
Le rapport à l’argent au sein du couple est toujours marqué par quelque chose de l’ordre d’un interdit engendrant des conduites ambivalentes, des défenses surdimensionnées sur les différents modes que nous avons abordés et une exposition constante à l’exercice surmoïque qui réactualise les modes de fonctionnement psychique du sujet (névrotique, pervers, état limite, etc.).
L’argent est inévitablement présent aux trois étapes fondamentales de la vie du couple : choisir un partenaire, le garder et transmettre avec lui.
Dans la première étape de séduction, l’argent exerce son pouvoir à l’endroit du manque pour choisir le partenaire et suscite le désir.
Dans la seconde, le rapport singulier à l’argent se complexifie en devenant une composante majeure du mode de relation à l’autre sur le principe du « donner-prendre » et par lequel viendront s’exprimer des affects archaïques (angoisse d’abandon, intolérance à la frustration, etc.). S’assurer la pérennité de la présence de l’autre à ses côtés nécessite, via le rapport à l’argent, une mise en commun d’une partie de la vie fantasmatique du conjoint à travers les projets d’avenir.
Dans la troisième étape, et de la même façon que nous avions souligné l’inévitable héritage symbolique du rapport à l’argent de nos aïeux, le couple va transmettre à sa descendance ses biens en même temps que la place de l’argent dans la vie quotidienne, et en particulier dans le rapport à l’autre.
Une fois de plus, la clinique démontre qu’il ne s’agit pas tant de définir le caractère normal ou anormal du rapport à l’argent, mais davantage d’offrir une marge de manœuvre suffisante pour s’extraire de l’assignation aliénante du poids de l’héritage transgénérationnel et du discours social de l’idée dominante.
En amour, le tabou de l’argent a deux versants imaginaires : acheter l’autre et risquer de le désubjectiver ou être acheté par l’autre et risquer de devenir son objet.
La position psychique la plus équilibrée ne serait-elle pas située quelque part à l’endroit d’une dynamique de l’alternance capable d’alimenter en érotisme ce couple sans le déstabiliser et laissant suffisamment de jeu à la libre circulation de la fantasmatique des conjoints ? ■
BibliographieChemama R., Vandermesch B., 2003, Dictionnaire de la psychanalyse, Paris, Larousse. |