Dossier : journal des psychologues n°239
Auteur(s) : Hansen Birte, Siard Sandrine
Présentation
Changer notre regard sur le travail et sur le vieillissement au travail, tant au niveau des travailleurs, des pratiques managériales que des politiques de gestion des ressources humaines, devient une priorité économique. Améliorer notre connaissance des seniors et envisager leur vie professionnelle en perspective n’est pas une utopie.
Mots Clés
Détail de l'article
Une étude, réalisée de septembre 2004 à octobre 2005, aux centres interinstitutionnels de bilans de compétences (CIBC) de Bourgogne et à l’initiative de la direction régionale de l’ANPE (DRANPE) Bourgogne, nous a conduits à réfléchir à de nouvelles approches de management et d’évolution professionnelle, favorisant une implication plus durable des travailleurs seniors dans l’activité économique et un accompagnement plus efficace de leur mobilité professionnelle.
Pendant longtemps, une politique de gestion des ressources humaines généralisée a favorisé le départ des salariés âgés par des dispositifs de retraite anticipée. Par conséquent, envisager la retraite des salariés dès cinquante-cinq ans est devenu un réflexe de beaucoup de gestionnaires des ressources humaines et de salariés. Aussi, lorsque ces salariés font le choix de poursuivre leur activité, ils sont souvent accusés d’occuper la place des plus jeunes.
Or, changer notre regard sur le travail et sur le vieillissement au travail, tant au niveau des travailleurs, des pratiques managériales que des politiques de gestion des ressources humaines, devient une priorité économique. Face à l’allongement de la vie professionnelle, face aux difficultés rencontrées par les seniors privés d’emploi pour retrouver du travail, face aux difficultés des salariés seniors pour poursuivre une fin de carrière dans leur entreprise, il devient essentiel de réfléchir à des solutions possibles, participant au maintien dans l’emploi et à la réinsertion des seniors demandeurs d’emploi. Cet allongement du temps au travail oblige tous les acteurs à repenser le travail et son organisation dans l’entreprise et dans le déroulement de la vie.
Notre travail s’est appuyé sur différentes théories psychosociales dont la compréhension peut guider une intervention en conseil et en accompagnement. En effet, la situation sur le marché actuel des travailleurs expérimentés est caractérisée par des représentations sociales négatives mettant à l’écart les salariés au-delà de cinquante ans, voire de quarante-cinq ans, entraînant par là-même un vécu souvent difficile de leur situation. Il est éminemment important de comprendre les visions de tous les acteurs concernés (salariés, employeurs, demandeurs d’emploi, pouvoirs publics), afin de les rapprocher dans le but d’amener chaque acteur à créer des conditions favorables à un allongement efficace de l’activité professionnelle.
Théories en jeu dans le management et l’accompagnement des seniors
Les concepts théoriques présentés ci-dessous sont des éléments de réflexion utiles dans les pratiques de management et d’accompagnement, notamment auprès d’un public senior.
Ils on un impact sur l’attitude adoptée face à ce public (attention, vigilance accrue accordée à l’état émotionnel des acteurs), favorisant ainsi une meilleure adaptation à chacun.
Ils permettent de mieux comprendre la problématique de chacun des seniors dans la gestion de la deuxième partie de leur carrière professionnelle, pour les aider à identifier des pistes d’évolution professionnelle possibles, au regard des changements inhérents au travail et au regard du marché de l’emploi.
Le locus de contrôle (LOC)
J. B. Rotter, en 1966, définit le locus de contrôle comme « une attente individuelle générale de l’issue d’un événement comme étant perçu soit contrôlé et compris par le sujet, soit non contrôlé ni compris ».
Le LOC peut ainsi désigner l’attribution interne ou externe des événements (positifs ou négatifs) qu’une personne vit au cours de sa vie professionnelle. Des sujets internes auraient tendance à penser qu’ils ont la possibilité d’agir sur les événements, alors que les sujets externes auraient tendance à penser que les choses se déroulent indépendamment de leur volonté.
La culture prédominante dans les pays industriels aujourd’hui valorise généralement un fonctionnement interne, mettant l’accent sur la part de responsabilité que possède chaque personne dans le déroulement de sa vie. Cette favorisation d’un « LOC » interne incite à l’action, mais également à la culpabilisation en cas d’échec, ce qui peut avoir comme conséquence des conduites dépressives et/ou autopunitives, lorsque l’environnement s’avère particulièrement hostile.
Le sentiment d’efficacité personnelle (SEP)
Le SEP renvoie « aux jugements que les personnes font à propos de leur capacité d’organiser et réaliser des ensembles d’actions requises pour atteindre des types de performance attendus » (Bandura, 1986). Il renvoie également « aux croyances à propos des capacités de mobiliser la motivation, les ressources cognitives et les comportements nécessaires pour exercer un contrôle sur les événements de la vie » (Wood et Bandura, 1989).
Le SEP est particulièrement exposé chez les demandeurs d’emploi de plus de cinquante ans (voire les salariés) qui ont vécu ou vivent encore les effets d’un licenciement, qui souffrent des stigmates de leur catégorisation de seniors et de leurs difficultés réelles à faire valoir leurs compétences sur le marché du travail ou dans leur entreprise.
L’image de soi
Un entretien professionnel, un bilan de compétences, un point sur la carrière, le coaching, toutes ces situations créent une condition dans laquelle le sujet est amené à confronter l’image qu’il a de lui-même avec celle qui lui est proposée par son interlocuteur.
L’évaluation de la personnalité peut offrir une occasion de réassurance narcissique du sentiment d’autoefficacité et de la valeur personnelle, mais peut aussi avoir un effet déstabilisant (Gaudron et al., 2001).
L’image de soi peut s’exprimer sous diverses modalités :
l L’estime de soi : C’est l’expression d’une approbation ou d’une désapprobation portée sur soi-même. Elle indique comment un individu estime d’une façon générale sa capacité, sa valeur, son importance. C’est une expérience subjective qui se traduit aussi bien verbalement que par des comportements significatifs. Les attitudes envers soi-même peuvent être conscientes ou inconscientes et sont porteuses de connotations affectives positives ou négatives et étroitement liées à des processus cognitifs et motivationnels. Ces attitudes peuvent se manifester par la voix, les postures, la gestuelle et les actes (Coopersmith, 1984).
Ce concept permet de prendre connaissance du niveau d’estime de soi du senior et d’adapter notre attitude d’accompagnement en conséquence. Ainsi, en fonction du degré d’estime de soi professionnelle, les solutions envisagées seront différentes.
l L’autoconnaissance : Repérer le niveau de connaissance de soi apprécié par le sujet à partir d’activités de réflexion sur soi est souvent l’un des objectifs quand on fait un point sur sa carrière. Il semblerait qu’un niveau d’autoconnaissance élevé augmente la prise de recul sur sa façon d’agir, facilite le repérage de ses compétences et la conduite d’un projet selon un plan d’action prévu.
Par conséquent, améliorer l’autoconnaissance des seniors a un impact sur la réflexion qu’ils peuvent avoir sur eux, la clarté de leur image de soi et la clarté de leur projet professionnel (Gaudron, Bernaud, Lemoine, 2001).
Les distorsions cognitives
Une distorsion cognitive représente les connaissances erronées d’une personne par rapport à la réalité biologique du monde et psychobiologique de l’homme.
Les principales distorsions cognitives pouvant être présentes chez les seniors peuvent favoriser un traitement erroné de l’information. Aussi est-il important pour le consultant de repérer ces distorsions et de les expliciter, afin d’activer une prise de conscience sur un mode de fonctionnement inopérant.
Le deuil
Le deuil, c’est-à-dire le procédé psychologique qui se met en marche à cause de la perte d’une personne aimée (Kübler-Ross, 1975 ; Bowlby, 1978), est un processus qui affecte chaque individu concerné.
Le travail, objet fondamental dans une vie, investi de façon plus ou moins importante par chacun, peut, s’il est perdu (licenciement économique, placardisation, perte de pouvoir, de crédibilité dans son entreprise), conduire à un état de souffrance considérable, pouvant s’apparenter aux caractéristiques du deuil de l’être aimé.
Stéréotypes et croyances
Les croyances sont des attitudes d’adhésion à une proposition dont la vérité ne peut pas toujours être démontrée (1). Les stéréotypes relèvent des croyances.
Ces deux concepts très proches jouent un rôle dans les échanges que l’on peut avoir avec des seniors ainsi qu’avec leur environnement (employeurs, collègues, structures d’accueil) dans le sens où des stéréotypes concernant ce public sont assez largement répandus dans la société française. Ainsi, beaucoup de travailleurs seniors et beaucoup d’employeurs pensent que l’âge est un handicap et peut mener à la mise à l’écart du monde du travail. Il s’agit là tout à fait d’une « représentation simplificatrice » dont « la vérité ne peut pas toujours être démontrée » et qui a un impact indéniable sur les relations entre acteurs sur le marché du travail.
Étude préliminaire
Nous avons réalisé une étude préliminaire afin de collecter, structurer et analyser des données concernant l’accompagnement professionnel et le management des salariés de plus de cinquante ans par le biais d’une recherche documentaire. À la suite de cette étape, nous avons conduit une enquête qui nous a permis de mieux connaître les besoins, motivations et représentations des travailleurs de plus de cinquante ans. Pour cette enquête, nous avons sollicité trente-huit demandeurs d’emploi, trente-quatre salariés de plus de cinquante ans ainsi que onze employeurs.
Résultats
• Devenir senior
Les salariés estiment devenir senior à soixante-cinq ans, les demandeurs d’emploi situent la limite à cinquante ans (voire quarante-cinq ans pour un quart des interviewés) et un tiers des employeurs considèrent que leurs salariés deviennent seniors à cinquante-cinq ans (à cinquante ans pour 27 % d’entre eux).
Les quinquagénaires expriment des besoins en formation (à 34,6 % pour les salariés et à 62,1 % pour les demandeurs d’emploi), en informations sur leurs perspectives d’avenir (30,8 % des salariés et 55,2 % des demandeurs d’emploi), en bilan de compétences (23,1 % des salariés et 34,5 % des demandeurs d’emploi).
58,6 % des demandeurs d’emploi et 46 % des salariés sont motivés pour suivre une formation.
La formation continue est d’ailleurs considérée comme un outil pertinent pour les seniors par 92,3 % des salariés, 93,1 % des demandeurs d’emploi et 85,7 % des employeurs.
Les employeurs désignent, quant à eux, le besoin de connaître les motivations de leurs salariés seniors (63,6 %), leurs besoins en formation (27,3 %) et leur état de santé (27,3 %), afin de mieux préparer leur avenir professionnel.
La motivation des seniors au travail est plus élevée chez les demandeurs d’emploi (58 % se disent motivés, voire très motivés) que chez les salariés (50 % se disent motivés, voire très motivés).
La motivation à « former quelqu’un » est plus élevée (50 % chez les salariés, 44,8 % chez les demandeurs d’emploi) que la motivation à « gagner beaucoup d’argent » (salariés : 38,4 %, demandeurs d’emploi : 34,5 %).
Les demandeurs d’emploi (41,3 %) sont plus motivés pour changer de métier que les salariés (19,2 %).
La motivation à « être reconnu pour son travail » est élevée pour les salariés (73,1 %) et pour les demandeurs d’emploi (65,5 %).
53,8 % des demandeurs d’emploi se sentaient reconnus dans leur dernier emploi.
56,5 % des salariés se sentent reconnus dans leur travail.
78 % des employeurs déclarent accorder une reconnaissance à leurs salariés de cinquante ans et plus.
Seulement 19,2 % des salariés et 20,7 % des demandeurs d’emploi déclarent avoir réfléchi à la gestion de leur fin de carrière.
Les salariés (61,5 %) et les demandeurs d’emploi (79,3 %) envisagent une fin de carrière à soixante ans et plus.
• Images des travailleurs seniors par les demandeurs d’emploi, salariés et employeurs
La technique utilisée est celle des associations verbales, consistant à demander à la personne de donner spontanément dix mots évoqués par l’expression « travailleur senior ».
Spontanément, et en grand nombre, les personnes interrogées évoquent les atouts des seniors. La catégorie la plus fréquemment évoquée par les salariés, les demandeurs d’emploi et les employeurs est la « compétence », nuancée par les termes : savoir-faire, expérience, performances, habiletés, efficacité, maîtrise, professionnalisme, expérimenté, connaissances, anticipation, efficience.
En deuxième position se trouve la catégorie « maturité » et « pondération », qui s’exprime par les termes : sagesse, calme, équilibre, sérénité, tranquillité, force tranquille, capacité de prendre du recul, pragmatique, réalisme, discernement, relativiser, réfléchi, pondéré, sérieux, posé, comportement adulte, écoute, patience, stabilité, régularité, prudence.
S’ensuivent les catégories « conscience professionnelle » (avec les termes fiabilité, bienveillance, confiance, exigence, fidélité, consciencieux, responsable, disponible, assiduité, courageux, volontaires), « transmission » (former, formateur, tutorat, conseils), « affirmation de soi » (autonomie, indépendance, autorité, affirmation, aisance, prestance, personnalité, prestance, sûreté), « sens des relations » (diplomate, accueil, meilleure compréhension, réseau, savoir-être, tolérance, solidarité).
Les inconvénients attribués aux seniors sont les moins fréquemment évoqués avec pour catégories « fatigue » (fatigué, lassé, malade, moins actif) et « mauvaise adaptabilité » (moins malléable, résistance au changement, rigidité, têtu, lenteur, moins rapide, moins réactif, manque de souplesse).
• Recrutement des seniors
54,5 % des employeurs disent que l’âge est un critère secondaire lors d’un recrutement (réponse pouvant être due à la désirabilité sociale), alors que 63,6 % n’ont pas recruté de seniors récemment et que 45,5 % ne pensent pas recruter de senior dans l’avenir proche.
Expérimentation
À la suite de l’étude préliminaire, les CIBC de Bourgogne ont procédé à une expérimentation, dans le cadre de bilans de compétences, avec pour objectifs de confronter les pratiques au sein de leurs équipes afin d’améliorer les techniques d’accompagnement des travailleurs seniors.
Le bilan de compétences
L’Accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003, relatif à l’accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle, dessine un paysage nouveau pour les seniors. Ainsi, après vingt ans d’activité professionnelle et, en tout état de cause, à compter de son quarante-cinquième anniversaire, tout salarié bénéficie d’un bilan de compétences.
• Échantillon
Ont participé à cette expérimentation les personnes de cinquante ans et plus (trente-huit personnes, demandeurs d’emploi et salariés), qui ont suivi un bilan de compétences (2) dans les CIBC de Bourgogne, dans la période de février 2005 à octobre 2005.
• Déroulement
Une échelle d’impact passée en début et en fin de bilan permet d’évaluer l’impact du bilan sur les seniors, et ce, sur plusieurs niveaux : connaissance de soi (personnalité, motivations), connaissance de leurs compétences, connaissance du marché de l’emploi, élaboration de projet, stratégies de seconde partie de carrière, argumentation sociale.
Elle permet aux personnes de répondre sur une échelle en sept points.
Sont explorées également par des tests appropriés l’estime de soi, les valeurs professionnelles, la personnalité…
Un travail sur les compétences acquises est proposé, sous différentes formes, en l’adaptant au niveau d’autonomie et de raisonnement des bénéficiaires.
• L’attitude des consultants durant le bilan
Compte tenu de la situation particulière des travailleurs seniors sur le marché, ce public est souvent exposé à des situations difficiles : situation de concurrence vis-à-vis des salariés plus jeunes, « placardisation » (le salarié senior se voit attribuer une fonction peu importante, sans réel enjeu pour l’entreprise et, par conséquent, se sent peu utile et superflu), très grandes difficultés à retrouver un emploi en cas de licenciement, etc.
Une posture empathique peut permettre :
- le recueil d’une souffrance liée à la stigmatisation des seniors dans le travail ;
- l’expression de cette souffrance, tout en l’encadrant, et en ayant une attitude d’écoute active ;
- d’être davantage à l’écoute des difficultés, voire du désarroi de certains seniors (colère, dépression, fatalisme…).
L’attitude adoptée auprès d’un public senior doit favoriser une relation ouverte et bienveillante et une réelle collaboration entre le senior, le consultant, le monde économique et les structures qui peuvent entrer en jeu (structures d’accueil et de conseil juridique, médecine du travail, Sécurité sociale…). Elle doit également favoriser l’échange d’informations complémentaires, aux seuls éléments professionnels qui permettent d’avoir une vision plus globale de la personne (situations financière, familiale, médicale).
Résultats et discussion
L’impact du bilan sur les seniors en bilan de compétences
En dehors de la faisabilité du projet professionnel des seniors que nous avons accueillis, les résultats suivants ont été traités :
• Le bilan a un impact plutôt positif sur la connaissance que les seniors ont de leurs compétences, du marché du travail, de leur projet professionnel, de leurs stratégies de seconde partie de carrière, de l’argumentation sociale. En effet, tous les facteurs connaissent une évolution positive entre le début et la fin du bilan.
• Le facteur « définition du projet professionnel » connaît l’augmentation la plus importante, suivi du facteur « mes stratégies de fin de carrière ».
• Les facteurs « marché du travail », « projet professionnel », « stratégies de seconde partie de carrière », évoluent de façon plus importante chez les demandeurs d’emploi que chez les salariés.
• Les salariés ont le sentiment de connaître davantage leurs compétences en fin de bilan, et ce, de façon plus élevée que les demandeurs d’emploi.
Les valeurs professionnelles des seniors
Connaître les valeurs professionnelles des seniors et les prendre en compte dans l’organisation du travail est important.
Les seniors sont particulièrement attachés à quatre valeurs professionnelles : la sécurité (stabilité de l’emploi), la relation avec leur hiérarchie (travailler sous les ordres d’un supérieur juste et équitable et avec qui on peut s’entendre), la réalisation dans leur travail (avoir des résultats visibles, tangibles de leurs actions), le style de vie (avoir une activité en accord avec eux-mêmes).
Les demandeurs d’emploi sont plus attachés aux valeurs « sécurité » et « relation à la hiérarchie », alors que les salariés sont plus enclins à valoriser le style de vie et la réalisation.
Il n’est pas étonnant que la valeur « sécurité » arrive en première position pour les demandeurs d’emploi, puisque l’instabilité, la précarité et l’incertitude sont leur quotidien et qu’ils aspirent à pouvoir évoluer dans un cadre garantissant un emploi. La relation à la hiérarchie arrive en tête également pour les demandeurs d’emploi qui espèrent avoir de bons contacts avec leur hiérarchie.
La valeur « réalisation » prend, quant à elle, une place de choix pour les salariés qui aspirent à observer des résultats tangibles de leurs actions. Peut-être n’ont-ils pas le sentiment d’être suffisamment dans le concret ? Le style de vie revêt également un caractère prioritaire. En effet, les salariés aimeraient probablement que leur activité professionnelle soit davantage en accord avec eux-mêmes.
La valeur « avantages économiques » (rémunération) ne revêt pas un caractère prioritaire (bien au contraire, elle se situe en queue de peloton), alors que les employeurs interviewés pensent que la reconnaissance de leurs salariés passe essentiellement par la rémunération (résultats de l’étude préliminaire). Les valeurs « management » et « prestige » sont absentes des résultats, aussi bien pour les demandeurs d’emploi que pour les salariés.
Ces résultats indiquent également qu’en termes de management, on a intérêt à agir sur les éléments « réalisation », « style de vie », plutôt que sur le statut de cadre, par exemple, répondant à la valeur de prestige, ou même le salaire.
L’estime de soi
On observe que les salariés ont des estimes professionnelle, sociale et familiale équilibrées (l’estime est au même degré dans ces trois catégories), alors que chez les demandeurs d’emploi, l’estime sociale est la plus élevée. En revanche, les estimes professionnelle et familiale sont inférieures à la valeur moyenne trouvée chez les salariés.
En conclusion, quelques préconisations
En management et en accompagnement, on a tout intérêt à travailler sur la globalité de la personne, c’est-à-dire à prendre en compte sa situation professionnelle, familiale, matérielle, financière, sa santé, ses motivations, afin d’apporter une réponse adaptée.
Dans cette même logique, le management et l’accompagnement des seniors devient plus efficace, en augmentant les échanges avec des structures partenariales : médecine du travail, structures syndicales et associatives, supports psychologiques, services financiers…
Il nous semble plus pertinent d’adopter davantage une posture d’accompagnement en bilan, en lien avec l’estime de soi et le sentiment d’efficacité personnelle (sep).
Il est important d’informer le plus possible les travailleurs sur le marché et les possibilités qui leur sont ouvertes, notamment les solutions non classiques telles que le portage salarial, les contrats multi-employeurs et le travail intérimaire (même si cette dernière solution est en contradiction avec la sécurité, valeur la plus importante pour les travailleurs seniors).
Dans une démarche d’accompagnement, augmenter les occasions d’échanges entre travailleurs seniors pourrait favoriser un soutien mutuel et développer un esprit de solidarité.
Prendre en compte les valeurs professionnelles des salariés seniors et favoriser le transfert de compétences vers les plus jeunes, pour les seniors qui souhaitent s’investir dans cette activité, peut renforcer leur motivation et leur satisfaction au travail.
Il nous paraît utile de réaliser un travail collectif de sensibilisation pour faire évoluer les représentations sociales sur le public senior, auprès des recruteurs, des employeurs, des accompagnateurs, des managers…
Les quatre outils de management et d’accompagnement des seniors, tels que présentés dans l’Accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003, relatif à l’accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle (entretien professionnel, VAE, passeport formation, bilan de compétences), ne doivent pas être une simple application de ce texte. Ils doivent être, au contraire, une réelle ouverture vers un prolongement de la vie professionnelle maîtrisée et bénéfique pour l’ensemble de la société. ■
Notes
1. Doron R., Parot F., 1991, Dictionnaire de psychologie, Paris, PUF.
2. Soit un bilan de compétences approfondi (BCA), prestation d’accompagnement intégrée à l’offre de service de l’ANPE, dans le cadre du « Service projet » ; elle a pour objectif de permettre à tout demandeur d’emploi d’identifier et de valoriser
ses compétences et de définir ou réorienter son projet professionnel, en vue d’un retour rapide à l’emploi.
Soit un bilan de compétences, tel que défini par la loi du 31.12.1991, permettant à des salariés d’analyser leurs compétences professionnelles et personnelles, ainsi que leurs aptitudes et leur motivation, afin de définir un projet professionnel et, le cas échéant, un projet de formation.
BibliographieBandura A., 1986, Social Foundations of Though and Action, Prentice-Hall, Englewood Cliffs, pp. 23, 391. |