Alzheimer : inventer les soins psychiques

Résumé

Avec Maud Mannoni, nous considérons que la vieillesse est « la vérité de la condition humaine », vérité que les expériences de perte démentielle de soi rendent encore plus nue et criante. Ce dossier, centré sur la maladie d’Alzheimer, a pour ambition de présenter des situations actuelles du soin psychique en direction de patients en démence.

Introduction du dossier

Clinique de la perte de soi et soin psychique dans la démence et la maladie d’Alzheimer


Ce dossier, centré sur la maladie d’Alzheimer, a pour ambition de présenter des situations actuelles du soin psychique en direction de patients en démence. La clinique du vieillissement normal et pathologique est une discipline et une pratique encore assez jeune qui mobilise de plus en plus les psychologues.
Le vieillissement pathologique. Un tel « objet » est nécessairement digne d’un abord pluridisciplinaire. La problématique anthropologique du vieillissement sera abordée par Jean-Baptiste Fotso-Djemo.
Devant le sujet dément, l’approche clinique vise, pour sa part, à contrer la disparition des traces du semblable humain chez un patient dément. Elle le fait aussi en se forgeant un certain nombre de représentations de la démence et de la maladie d’Alzheimer, plus ou moins exactes au strict plan d’une psychopathologie clinique, mais qui sont autant de paris sur le sujet, nécessaires fictions pour inventer et faire durer un dispositif contenant et soignant. Ce que montrent, à côté de l’étude menée par Olivier Douville pour la Fondation Médéric-Alzheimer, les réactions fines et prudentes d’une future jeune collègue, encore étudiante, Jessica Dos-Santos sur son lieu de stage en gériatrie, précisément.
Inventer du dispositif, contenir, travailler en lien avec les familles (José Polard). Nous recensons là des principes qui guident le soin psychique tel que le présentent encore André Quaderi et Patrick Linx. L’effet de ces inventions de dispositif de soin et de stratégies institutionnelles est de redonner une épaisseur anthropologique au sujet âgé en démence qui se retrouve immergé au plus possible dans ses relations familiales et dans la cité (Anne Ferrari).
Bien évidemment, tout cela ne va pas sans utopies, toujours nécessaires à condition de ne pas trop s’en faire la dupe. Le réel des processus déficitaires ou dégénératifs existe, et insiste. Qui irait le nier ? Toutefois, au cas par cas, aucune prédictologie close n’est de mise et, à ne plus exclusivement se focaliser sur le déficit, le clinicien se rend sensible à une façon discrète et inespérée, mais résistante tout de même, de plasticité psychique chez les patients. Certes, il y a de la perte et de l’irréparable, mais on constate aussi la mise en place de nouvelles modalités de mémorisation, de rapport sensoriel à autrui, au monde. Nouvelles modalités que le psychologue suscite et tente de conserver, qu’il opte pour une prise en charge individuelle ou pour un travail psychique groupal, comme nous le verrons dans ce dossier. Ce qui reste de vie psychique n’est pas que fonctionnement amoindri, mais aussi fonctionnement autre.
Ce constat, fragile mais rassurant, pourrait ouvrir à des enjeux épistémologiques déjà annoncés par la neurologie plastique et dynamique d’un Goldstein et par les travaux de Canguilhem. Si ce dossier annonce un tel débat, c’est aussi qu’il est riche d’expériences et de témoignages cliniques porteurs d’espoir.

Les articles du dossier

Le vieillissement, une affaire de générations

La représentation du vieillissement varie d’une génération, d’une culture à une autre. Les nombreux remaniements qui sont en jeu durant cette période de la vie d’un individu appellent à la valorisation du lien culturel et intergénérationnel. (Lire la suite)

Alzheimer : représentations des professionnels soignants

La maladie d’Alzheimer entraîne un vide de représentation. Cela nécessite pour les patients et de la part du soignant d’en banaliser la portée afin d’en dépasser la sidération. Comment à partir d’une étrangeté radicale reconstruire un imaginaire dans lequel puisse s’inscrire le patient en tant qu’altérité ? Le soignant qui œuvre en ce sens se heurte à de multiples problèmes liés au contre-transfert. C’est pourquoi d’autres stratégies thérapeutiques sont étudiées afin que le patient Alzheimer ne soit pas réduit à la représentation d’une perte drastique, mais reprenne sa place de sujet. (Lire la suite)

Mémoire et souvenir dans la clinique du dément

Malgré les écueils liés à la perte de mémoire, progressive et irréversible, le dément maintient un processus de pensée, friable mais présent. Si l’on postule que ses rappels verbaux compulsifs masquent en réalité une quête de sens et qu’ils ne se produisent que si une parole subjectivante est présente, quels sont, alors, les moyens dont disposent le praticien ou tout autre soignant pour bâtir un pont langagier ? (Lire la suite)

Rencontre avec le sujet dans la maladie d’Alzheimer. Pari d’un ultime transfert

Au décours d’une maladie d’Alzheimer, lorsque les mots se dérobent, que les images s’abîment et que le sujet se trouve confronté à l’inquiétante étrangeté de ses représentations de mot et de chose qui se délitent, le transfert se déployant dans une rencontre singulière n’est pas seulement un gain de temps sur la maladie mais aussi pour l’être. (Lire la suite)

Un séisme familial

L’annonce de la maladie d’Alzheimer est traumatogène. Au sein d’une famille, outre le séisme qu’elle provoque, elle fait surgir d’anciens conflits, bouleverse les rôle et place de chaque membre, mobilise des solidarités, remet en cause l’homéostasie familiale. Pendant combien de temps le soutien à domicile peut-il être maintenu, quels effets entraîne-t-il ? Comment organiser au mieux une entrée en institution ? Une professionnalisation de la famille est-elle nécessaire ? (Lire la suite)

Habitat et espace psychique chez le sujet âgé. L’intervention du psychologue à domicile

La prise en charge à domicile d’une personne en perte d’autonomie oblige à inventer d’autres modalités d’intervention que celles qui sont suivies en institution ou en libéral. Si instaurer un espace de parole et d’échange au sein d’un espace physique qui est le sien permet au patient de dominer certaines tensions internes, cela remet en cause la place du domicile dans l’économie psychique du sujet. (Lire la suite)

Les difficultés rencontrées auprès de patients. Alzheimer en institution

Soutenir, accompagner, écouter, resocialiser, le malade atteint d’Alzheimer, exigent de la part du psychologue clinicien qu’il se repositionne en fonction de chaque patient auquel il est confronté, qu’il estime la distance à conserver afin de se préserver aussi, qu’il se soutienne d’une réflexion d’équipe. Pourtant, le fait de pouvoir assumer une certaine impuissance aide le professionnel à mieux soigner le dément. (Lire la suite)

Bibliographie du dossier

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