Les réseaux sociaux voient apparaître un certain nombre de défis, souvent mis en scène par l’intermédiaire de photos ou de vidéos. « Ice bucket challenge », « à l’eau ou au restau », « neknomination » en sont quelques exemples. Depuis plusieurs semaines en France un de ces défis inquiète un grand nombre de professionnels exerçant auprès des adolescents : le « Blue Whale challenge ».
Le phénomène est apparu il y a environ deux ans en Russie, sur le réseau social VKontakte. Ce challenge consiste à relever une série de 50 défis, repartis sur 50 jours, allant crescendo dans l’implication demandée, le dernier défi étant le suicide du participant. Dans son pays d’origine, environ 130 décès sont imputés au challenge.
Défrayant la chronique depuis quelques semaines dans notre pays, la police nationale a mis en ligne un communiqué avertissant des dangers. L’éducation nationale s’est également emparée du phénomène, par le biais d’informations dispensées par différents rectorats (voir exemple académie de Reims).
C’est la construction élaborée de ce challenge qui interroge. Il n’est plus question ici d’un défi simple, relevé en nominant un « ami » qui devra l’exécuter à son tour. La montée en puissance de l’implication du participant nous ramène aux théories de l’engagement, de la soumission librement consentie (Joule et Beauvois 1998). Ou comment amener quelqu’un à produire un comportement par la combinaison de conditions préalables et d’une succession de comportements moins couteux pour l’individu.
Cependant, tout comme il n’est pas prouvé que la baleine bleue s’échoue volontairement afin de se « suicider », ce challenge pourrait relever d’une légende urbaine. C’est la thèse retenue par certaines personnes ayant étudié le sujet, comme le relève le journal Le Monde le 15 Mars dernier. Si le sujet inquiète en France, aucun cas de suicide d’adolescent n’est relié de façon certaine au blue whale challenge. De même, le quotidien rappelle que les sources russes peuvent relever d’une fiabilité incertaine.
Ces interrogations permettent cependant d’aborder au grand jour une question difficilement traitée jusqu’à maintenant ; le suicide chez l’adolescent. Certains réseaux sociaux communiquent, comme la mise en avant par Facebook de son algorithme de repérage des tendances suicidaires. C’est surtout une veille active qui semble être mise en place par certaines instances, qui devra servir de terreau à un travail de fond sur cette question.
Benoit Catel
Sources
Communiqué de la police nationale, 29 Mars 2017 : http://www.police-nationale.interieur.gouv.fr/Actualites/L-actu-police/BlueWhaleChallenge
Communiqué du rectorat de Reims, 27 Mars 2017 : http://www.ac-reims.fr/cid114913/sensibilisation-blue-whale-challenge.html
Joules Robert-Vincent, Beauvois Jean-Léon, La soumission librement consentie. Paris. PUF. 1998.
Perrine Signoret, « Blue Whale challenge » ; itinéraire d’une légende urbaine sur internet. Le Monde, 15 Mars 2017.