Depuis plusieurs années, un mésusage de médicaments codéinés (sirop, comprimés ou gélules) a été constaté en France.
Depuis 2013, les pharmacies Françaises ont remarqué des achats inhabituels qui ont révélé l’existence de « purple drank » (mélange de codéinés et d’antihistaminiques dilués dans du soda), boisson apparue et popularisée dans les années 90 aux USA. De la même manière, entre 2009 et 2013, le dextrométorphane (dérivé opiacé) a été identifié comme objet d’un usage problématique.
Les enquêtes d’addictovigilance menées par l’ANSM démontrent l’ampleur de ce phénomène. Depuis 2015, chez les moins de 25 ans, ont été recensés 30 cas graves suite à la consommation de « purple drank » et 23 liés au dextrométorphane. Depuis Janvier 2017, 5 intoxications au « purple drank » ont été signalées, entrainant deux décès chez des adolescents.
Le dispositif TREND de l’OFDT montre une nette augmentation de consommation de codéinés par des adolescents et des étudiants. Depuis 2013, on les observe particulièrement en Nouvelle Aquitaine, mais aussi Paris, Lyon, Marseille et Rennes. Toujours selon cette étude, ces jeunes seraient peu ou pas consommateurs de drogues illicites, hormis le cannabis. Ce fait les expose d’autant plus à une surdose opiacée. Il arriverait aussi que la consommation d’alcool soit associée, voire ajoutée directement au mélange, tout comme le cannabis. L’adjonction d’alcool majore quant à lui le risque de dépression respiratoire.
Jusqu’alors ces molécules étaient accessibles sans ordonnance. Cela en fait des produits faciles d’accès, familiers et dont la consommation peut être perçue comme anodine et non dangereuse comparée aux « drogues illicites ».
Pour ces raisons le ministère de la Santé a récemment modifié le cadre de prescription des médicaments codéinés et d’autres dérivés opiacés (dextrométorphane, éthylmorphine, noscapine). Désormais, ils sont inscrits sur la liste des médicaments disponibles uniquement sur ordonnance (arrêté du 12 Juillet 2017). La vente sur les sites Internet des pharmacies n’est plus autorisée.
Les mesures engagées n’auront pas pour autant raison de ces pratiques : certains jeunes se tourneront vers la pharmacie familiale, ou vers le marché noir, le deep web, ou encore les pays frontaliers. Cela demandera donc aux professionnels des structures spécialisées et des consultations jeunes consommateurs (CJC) une attention particulière au public accueilli en terme de repérage, d’accompagnement, et de réduction des risques (délivrance d’informations quant aux risques de surdose et de dépendance aux opiacés, conduite à tenir en cas de surdose, numéros utiles), sur les structures compétentes dans l’accompagnement.
Dans d’autres situations, des personnes prenant de la codéine de longue date en automédication peuvent en être devenues dépendantes et être confrontées à des symptômes de sevrage en cas d’arrêt brutal. Ailleurs, des personnes dépendantes aux opiacés utilisent les médicaments codéinés pour remplacer ou compléter un traitement de substitution, ou en cas de situations ponctuelles de manque. Il est fondamental de proposer une prise en charge adaptée à ces situations aux seins des structures adaptées, et un accompagnement à ceux qui le souhaitent, ainsi que de venir en appui aux professionnels non spécialisés.
Anabelle DANIS
Pour plus d’informations :
OFDT « les usages détournés de médicaments codéinés par les jeunes » :
https://www.ofdt.fr/publications/collections/notes/les-usages-detournes-de-medicaments-codeines-par-les-jeunes/
Arrêté du 12 Juillet 2017 portant modification des exonérations à la réglementation des substances vénéneuses :
https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2017/7/12/SSAP1720470A/jo