Faire entendre nos voix et faire savoir notre mécontentement d’une façon historique était devenu une évidence pour de nombreux psychologues. A Nice, le rendez vous était pris à 13h30 devant le CHU de l’Archet.
Nous étions au rendez vous !
Les psychologues des établissements de santé et de soin étaient nombreux, bien que certains d’entre eux se sont vus refuser leur préavis de grève ! Nous avons tous pu reconnaitre parmi la foule des professeurs d’université, des étudiants engagés pour leur avenir. Des retraités de la profession ont également eu la sympathie de nous faire part de leur soutien, en présence comme à distance. Les syndicats étaient présents, réunis sous le slogan « Psychologues indispensables en temps de crise, soldés en tout temps ». Se sont succédé des discours réfléchis et peinés, passionnés et militants, chacun avait sa place dans cette belle assemblée. Nous avons déploré le manque de considération, de défense et d’organisation de la profession depuis trop longtemps qui s’expliquent en partie par la féminisation de celle-ci. L’absence des psychologues au Ségur de la santé, le manque de valorisation systématique de la profession, notre opposition à la paramédicalisation, entre autres.
L’ambiance était aux rencontres, aux retrouvailles, à la convivialité, nous étions soudés, masqués mais souriants. Nous avons dansé, chanté, crié, ri, été émus, nous étions ensemble. Le sentiment d’appartenance à une profession enfin unie était prégnant, sentiment qui rassure, qui réchauffe et qui nous laisse optimistes.
Les professionnels libéraux, très concernés sur la question des modalités de remboursement proposées par le gouvernement, étaient nombreux et particulièrement solidaires. Nous avons à cœur de transmettre l’idée que nous nous battons pour nos patients. Nous voulons accueillir chaque personne en détresse légère ou sévère, sous traitement ou non, suicidaire, dépressive, souffrant de TCA, d’addictions, nous voulons venir en aide à tous sans discrimination d’âge, de sexe, de moyens financiers etc. Nous voulons une psychologie équitable, juste, généreuse et solidaire.
Les psychologues du collectif « Manifeste des psychologues cliniciens et des psychologues psychothérapeutes », très actif sur les réseaux sociaux notamment sous le #ManifestePsy étaient très bien représentés. Nous avons eu la chance à Nice de nous regrouper nombreux autour des revendications du Manifeste et de voir des psychologues créatifs et motivés pour la mise en place de cette manifestation mais également pour la fabrication de banderoles aux nombreux slogans évocateurs « psy malmenés = patients en danger », « Oui au remboursement mais pas n’importe comment », « psy, ni gratuits, ni soumis »; autant de messages qui flottaient dans l’air.
Le Manifeste avait prévu de se rendre au cœur de la ville après le rassemblement pour sensibiliser la population à nos revendications. Nous étions munis de ballons, de tracts, de porte clé QR code renvoyant vers notre pétition. Les parents et les plus jeunes se sont montrés particulièrement inquiets pour l’avenir de la psychologie et très enclins à nous apporter soutien et encouragements. Le public se préoccupe de sa santé psychologique et est prêt à nous soutenir, une véritable bouffée d’air ! Nous avons en revanche déploré le manque d’information « c’est fou qu’on ne soit pas informés de ce qui se passe, c’est important. On nous cache trop de choses qui nous concernent » dixit une passante effarée par notre récit.
Nous sommes nombreux à être pour le remboursement mais il n’a jamais été pour nous question d’accepter des dispositifs aussi réducteurs et liberticides.
Deux consœurs ont souhaité témoigner à mes côtés :
« TROPPIU STROPPIA (trop c’est trop) comme on dit chez moi ! Je fabrique mon t-shirt et prépare des pancartes ! A mon arrivée, je pars aider et sans m’en rendre compte de quelques-uns nous étions devenus une foule ! Tous unis dans une même conviction, une solidarité. Quelle joie de pouvoir continuer en distribuant des tracts. Une dame qui sortait d’une séance d’orthoptie me dit « déjà que pour aller voir l’ophtalmo, je dois attendre 3 mois, pour une personne qui a une souffrance psychique, 3 mois c’est trop long », un autre me dit « c’est le parcours du combattant, c’est pas possible le gouvernement peut pas accepter ce délire ». La manifestation m’a donnée confiance en la capacité de la profession à s’unir, il ne faut rien lâcher et défendre nos spécificités, nos rémunérations ». ML Chapuis-Grisoni, psychologue clinicienne et psychothérapeute.
« J’étais bien décidée à faire grève ce jour là, afin de me concentrer uniquement sur la manif, mais un patient m’a demandé en urgence un créneau. Nous exerçons un métier où il est parfois difficile de se dire « je peux m’arrêter sans conséquence. ». Parce que la souffrance psychique n’est jamais négligeables. Pourtant culturellement nous la négligeons. Traitant de faible ou de fou celui qui porte un trouble subi. Me voilà donc en speed, aujourd’hui on se réuni, on mêle nos voix, on est d’accord. La manif principale ayant lieu à Paris je craignais une représentation dérisoire, mais nous étions là. Ce regroupement solidaire a donné, je crois, a beaucoup d’entre nous l’espoir d’un changement, le courage de sortir de notre zone de confort. Notamment en se tenant côte à côte dans l’exercice très inconfortable pour certains d’entre nous qu’était la distribution de tracts. Ce 10 juin il n’était plus temps pour nous d’écouter. A présent, c’est à notre tour de parler, et d’être entendu de façon bienveillante et active ». Marine Arets, psychologue clinicienne et psychothérapeute.
Merci à tous les manifestants de France, à ceux qui n’ont pu participer mais qui étaient là en pensées et ont affiché leur soutien, aux absents qui avaient la grève dans le cœur et aux professionnels de santé qui s’associent à notre combat. Merci à mes consœurs qui ont accepté de témoigner à mes cotés.
Maud Senaillet.
Psychologue clinicienne et psychothérapeute