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Un critique musicale disait que les interprétations de Bach faites par Glenn Gould témoignaient non seulement d’une connaissance approfondie de l’œuvre, mais elles nous laissaient entrevoir la relation que ce pianiste canadien entretenait avec Bach, une relation d’appropriation, voire d’identification. Cette relation permettait à Gould de transformer les partitions de Bach dans l’expression de sa cartographie intime. Cela lui permettait de parcourir chaque ruelle, chaque pont, chaque jardin de la partition les yeux fermés, en nous montrant des aspects de la « ville Bach » que les touristes n’auraient jamais pu découvrir s’ils avaient été livrés à eux-mêmes. Des aspects de la ville qui devenaient visibles grâce à Gould. En d’autres termes, Gould était le traducteur de Bach, si l’on pense à la notion de traduction proposée par Walter Benjamin, où le texte traduit emprunte le chemin du texte original et poursuit la route que l’auteur avait tracée avec son texte. Le traducteur se met ainsi dans les pas de l’auteur et nous offre des chemins insoupçonnés de son œuvre.
Parfois, on voit de drôles de choses. Comme ce chômeur qui, pour ne pas penser au sentiment de vide et de vacuité de son existence, se filme en train de jongler avec un ballon de football, contre un mur ou seul, sans cesse. Sur Internet, le buzz s’est créé instantanément : on balance entre fascination et tristesse face au caractère répétitif et absurde de cette façon de tenter de jongler avec soi-même, de mettre un peu de jeu, jusqu’à l’obsession, entre solitude et désespoir.
Au cinéma, nous ne sommes pas seulement voyeurs, nous sommes dans une enveloppe groupale partagée au sein de laquelle, fantasmatiquement, nous sommes aussi vus, à l’abri de l’ombre, par les personnages que nous regardons.
« Un jugement draconien », lit-on parfois ; Dracon fut le premier législateur dans l’Antiquité ; il eut pour idée de placarder les lois dans la rue pour que nul ne puisse les ignorer, faisant ainsi coup double sur le plan sémantique. Les lois qu’il promulguait furent connues pour être mortellement sévères.
Il y a des films qui nous perturbent. Ils s’installent en nous de manière insidieuse, comme un corps étranger qui, justement, n’est pas si étranger que ça.
Le dernier film de L. Cantet, déjà remarqué pour ses deux précédents longs métrages flirtant déjà avec le document, fait œuvre. La Palme d’or du dernier festival de Cannes est un grand film humaniste, dense, soutenu, à vif. Comme un entomologiste, il scrute la relation professeur-élève dans un crescendo maintenu constamment sous tension. Au-delà du débat sur le caractère pédagogique du propos, L. Cantet montre comment les enjeux relationnels prennent le pas sur l’apprentissage, c’est-à-dire que la relation transférentielle est bien au cœur de toute « éducation au savoir ».
Le souci et la fragilité des traces : dans une scène mémorable de Roma, Fellini montre l’équipe de tournage qui cherche à filmer dans les sous-sols de la ville éternelle et qui découvre, émerveillée, des fresques antiques d’une grande beauté.
Magritte aurait pu dire : « Cela n’est pas un film sur la coupe du monde de football 2006. » De fait, rien à voir avec un remake de Les Yeux dans les bleus. Substitute ne remplace donc pas le tournage qui n’a pas eu lieu.