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Huit récits cliniques où Pierre Kammerer relate la cure psychanalytique d'adultes qui ont subi, dans l'enfance, la haine de ceux qui étaient censés les aimer, leur père ou leur mère. Ce qui caractérise ces patients, c'est l'aveuglement dans lequel ils se sont enfermés pour ne pas démasquer la perversion d'un parent dont ils ne désespéraient pas d'être aimés. Aveuglement qui les conduit à rester dans la répétition des mêmes traumatismes, à ne pas se protéger du mal qu'on pourrait leur faire. Pierre Kammerer parle ici d'une « clinique du témoin » où l'analyste réintroduit la Loi Symbolique (interdit du meurtre, de l'inceste...), prenant ainsi la place de l'autre parent, celui qui, au moment du trauma, s'était absenté alors qu'il aurait dû l'empêcher. Cette restitution du témoin dans le patient lui-même permet à celui-ci d'instruire le procès de son « meurtier » et d'éprouver la colère ou la haine séparatrices qui lui donneront la capacité de se protéger. Pour cela, il aura fallu aussi que l'analyste « souffre » de ce qui a fait souffrir l'analysant, le lui traduise et porte avec lui, dans le transfert, la dénonciation de la perversion. C'est ce que nous enseignent ces huit récits cliniques. Pour conclure, Pierre Kammerer répond à Michel Onfray qui, dans son Crépuscule d'une idole : L'affabulation freudienne, accusait Freud d'être cupide, menteur et partisan des régimes autoritaires, et la psychanalyste d'être « une hallucination collective appuyée sur des légendes ». Face au philosophe, dont les violentes attaques sont les alliées des pulsions de mort à l'œuvre dans le monde, le psychanalyste se range résolument du côté du « travail de la culture » (Freud) pour qu'il se déploie sous le signe d'Eros.
Quels rapports entre les tortures que s’inflige le patient mélancolique, l’enfant « facilement cruel » avec les animaux ou ses petits camarades et « l’amour impitoyable », dont parle Winnicott, entre le nourrisson et sa mère ?
Quels rapports entre les tourments qu’impose le violeur à sa victime, les meurtres des tueurs en série et ceux des génocidaires du Rwanda ?
Quels récits faire de la cruauté – par exemple de la cruauté nazie, comme prétend le faire Jonathan Littell dans Les Bienveillantes – sans la redoubler ?
Bien qu’elle traverse l’œuvre de Freud sous des formes variées, la notion de cruauté n’appartient pas au vocabulaire de la psychanalyse. Pourtant, à l’énigme de la cruauté, figure d’un mal radical qui décourage la pensée, des psychanalystes apportent ici un éclairage original. Violence inutilisable, haine superflue ou indifférence extrême, interne ou exercée à même le corps de l’autre, la cruauté s’avère paradoxale : elle révèle à la fois l’intime du sexuel et une dynamique pulsionnelle distincte. Seule la pitié, ou la compassion, peut y faire barrage – mais une vraie pitié, celle qui aurait fait l’épreuve de la cruauté : la sienne, et celle des autres.