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L'histoire serait-elle un éternel recommencement ? Les pratiques libérales de gouvernement en organisant la société sur les valeurs bourgeoises de compétition et d'individualisme ne conduisent-elles pas à terme au désordre social et à l'apathie politique ? Sans céder au "démon de l'analogie" en Histoire, l'ouvrage montre les liens étroits qui, depuis la fin du XIXe siècle jusqu'à nos jours, unissent les crises politiques des libéralismes aux discrédits des institutions parlementaires, à l'émergence des populismes, et aux violences destructrices des guerres et des terrorismes. A chaque fois le monde de la sécurité, établi sur les promesses sociales et politiques de la raison, de la responsabilité morale, de l'autonomie de la volonté individuelle, de l'émancipation par le développement des techniques et des sciences, à chaque fois ce monde s'effondre. A chaque fois, la raison et la liberté se révèlent comme des illusions hypocrites permettant la soumission sociale des peuples. A chaque fois l'espace authentique du politique se réduit comme peau de chagrin au profit de dispositifs aliénants, mais efficaces, contraignant les individus à s'adapter aux automatismes des machines et des procédures. A chaque fois l'accroissement des richesses collectives s'accompagne du profit de quelques-uns aux dépens de tous.
La promesse de bonheur faite aux peuples et aux individus constitue, à l'instar des religions et des idéologies, un opium qui les prive de leur liberté. En les berçant avec la vieille chanson de l'abondance et du bien-être, en les insérant toujours plus dans des réseaux de surveillance et de contrôle au motif de les protéger des risques et des dangers, le pouvoir libéral contraint les citoyens à abandonner leurs libertés publiques au profit de l'automatisme des procédures.
Les nouvelles technologies installent et légitiment un système politique et culturel qui menace la démocratie et favorise l'impérialisme du marché. L'auteur montre comment jour après jour la quantité décide de la qualité. Au nom du bonheur et de la sécurité auxquels les individus aspirent, le pouvoir prescrit un mode d'emploi du vivant qui substitue à la culpabilité fondatrice du lien social, la dépendance à la rationalité des instruments numériques et des procédures normatives.
L'ouvrage soutient que la technique disculpe, qu'elle ne requiert que son exécution, sans états d'âme. Quand la culpabilité passe à la trappe, c'est l'Autre qui disparaît et, avec lui, notre liberté de désirer. En politique comme en psychanalyse un sujet ne saurait exister sans parole, sans autrui. Les changements qui se sont accomplis en psychiatrie depuis une trentaine d'années constituent un bon exemple de la crise des valeurs qui menace l'humanité dans l'homme : les modes d'emplois et les grilles d'évaluation statistiques ont remplacé le dialogue clinique et les récits de vie.
Évoquant ses différentes prises de position, et notamment sa thèse sur les effets psychologiques et sociaux néfastes de l’économie néolibérale, Roland Gori souligne la contribution notable de la psychanalyse à l’humanisation de la société contemporaine. Sa posture pourrait être identifiée par l’aphorisme qu’il emprunte à Romain Rolland, « le pessimisme de l’intelligence allié à l’optimisme de la volonté ».