Publiée le 16 mars dernier dans la revue Science, une étude menée par une équipe européenne tend à démontrer que l’acquisition d’un certain type de raisonnement logique simple se ferait indépendamment de celle du langage. Une découverte qui pourrait modifier notre perception du raisonnement chez l’enfant et avoir ainsi des conséquences sur nos pratiques professionnelles.
Coordonnée par Luca Bonatti, chercheur à l’université de Barcelone, cette étude portait sur 24 enfants de 12 mois et 24 autres âgés de 19 mois. De courtes vidéos leurs étaient présentées, sur lesquelles figuraient deux objets distincts. Une fois ces objets masqués par un écran, un panier venait se positionner sur l’un des deux. L’écran était ensuite levé, révélant donc l’un des objets, qui quittait le champ de vision du bébé. Dans un dernier temps, le panier révélait son contenu. Il s’agissait dans la moitié des cas de l’objet « logique » (celui qui n’avait pas quitté la scène) et dans l’autre moitié de l’objet qui n’aurait pas dû se trouver sous le panier.
Le protocole consistait alors à utiliser une technique spécifique d’oculométrie par infrarouge afin d’observer les réactions des enfants. Les résultats font apparaître que les enfants regardaient plus longuement les situations illogiques. Les auteurs notent également que les pupilles des sujets se dilataient lorsque l’écran était levé, ce que les chercheurs appellent « phase de déduction potentielle ».
Ces observations laisseraient donc à penser que le très jeune enfant, avant même le développement de ses capacités langagières, serait capable d’un certain type de raisonnement, appelé syllogisme disruptif : si seulement A ou B est vrai et que A est faux, alors B est vrai.
Bien que nécessitant des précisions ainsi qu’une reproduction sur des échantillons plus importants pour que ces conclusions soient confirmées, cette étude va cependant dans le sens de ce que les neurosciences nous apprennent en termes de capacités précoces chez l’enfant.
Cependant, la particularité d’un développement du raisonnement indépendamment de celle du langage interroge lorsque l’on prend en compte les théories des biais dans la prise de décision. Pourquoi s’économiser l’effort d’un raisonnement couteux en suivant si souvent notre instinct (source de biais) alors que ce même raisonnement nous est précocement disponible ? Autant de questionnements que de telles études permettent de se poser. Au delà de ces derniers, ce type de protocole pourrait également utilement être utilisé dans le repérage des troubles précoces du raisonnement.
Benoit Catel
Pour aller plus loin :
Etude parue dans Science, 16 Mars 2018 : http://science.sciencemag.org/content/359/6381/1263
Article de la revue Le Temps, 15 Mars 2018 : https://www.letemps.ch/sciences/un-bebe-estil-un-doue-logique
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