Contenu du dossier
- l'introduction du dossier
- la bibliographie du dossier
Résumé
Pourquoi devient-on violent ? Les réponses sont multiples et complexes : pour exister à titre individuel ou groupal ; pour s’opposer à un ordre établi, vécu comme persécuteur ; pour structurer une vie intérieure mise à mal par des blessures narcissiques ; pour l’agir signifiant ce que le dire ne peut élaborer. Parce que la violence fascine et, parfois, devient un objectif identitaire.
Mots Clés
Introduction du dossier
L’engagement dans des violences extrêmes : l’exemple de la radicalisation
Pourquoi devient-on violent ? Les réponses sont multiples et complexes : pour exister à titre individuel ou groupal ; pour s’opposer à un ordre établi, vécu comme persécuteur ; pour structurer une vie intérieure mise à mal par des blessures narcissiques ; pour l’agir signifiant ce que le dire ne peut élaborer. Parce que la violence fascine et, parfois, devient un objectif identitaire.
Pourquoi est-on violent jusqu’à l’extrême, jusqu’au sacrifice de sa propre vie ? Les réponses sont les mêmes, tout aussi multiples et complexes, à ceci près que la pulsion de l’extrême comporte quelque chose en plus : une confusion démesurée entre valeurs de soi et valeurs du groupe, qui la porte ; une croyance radicale et inébranlable qui la légitime ; un esprit de revanche hypnotisant et claustrant, qui la renforce ; une identité en construction, qui la structure, le tout inscrit dans des interactions sociales groupales.
Pour y faire face, les possibilités sont multiples : la réprimer, la prévenir, la circonscrire, la modifier, la nier, s’en défendre, la banaliser, la réduire à des éléments opportunistes, etc., etc., etc., etc.
Nombreuses sont les disciplines qui y vont de leur expertise pour tenter d’agir contre la violence extrême, mais, pour nous, psychologues, c’est la pertinence clinique qui donne à réfléchir. La pertinence de la clinique se situe plutôt dans la déconstruction des processus d’engagement qui font que des sujets, souvent adolescents mais pas toujours, vont cheminer vers une forme d’extrémisme qui n’a comme but ultime que la destructivité et la néantisation en recourant à une violence sans limite. La déconstruction permet l’avènement du débat et l’analyse approfondie des pratiques. C’est ce que propose ce dossier, où le lecteur découvrira, pas à pas, les multiples facettes de ce phénomène : un point de vue général et théorique sur l’essence de ce phénomène ; un aperçu de la fragilité psychique des personnes qui l’adoptent sans critique ; une vision des caractéristiques de ceux qui produisent cette violence, dans leurs motivations et leurs parcours ; la représentation qu’en ont les victimes qui la subissent pour, enfin, entrevoir quelques-uns des moyens d’action, à un niveau sociétal.
Le but de ce dossier est de donner à penser, pour que nous, psychologues cliniciens, puissions, avec notre expertise, construire ensemble une clinique renouvelée du sujet « extrême », afin de proposer, à ces sujets, de véritables voies de désengagement et de renaissance narcissique.
Les articles du dossier
Les jihadistes français : diversité des parcours, pluralité des réponses
Les événements de 2015 ont hissé le phénomène de la radicalisation au sommet de la hiérarchie des menaces. Parallèlement, la France est identifiée comme un des premiers « fournisseurs » occidentaux de combattants étrangers. La compréhension de ce phénomène nécessite un décryptage des spécificités du contexte français. Ce texte vise à apporter des éléments d’analyse sur l’hétérogénéité des profils de jeunes partis rejoindre les contrées syro‑irakiennes. Cette diversité sociologique appelle nécessairement une pluralité de réponses. (Lire la suite)
Radicalité et violence : les voies de l’engagement extrême
La radicalité désigne un cadre de pensée, un processus psychique de rigidification et une recherche de ligne directrice de vie, simplifiée. Elle se transforme en idéologie plus facilement admise et intégrée lorsque le sujet traverse une période de vulnérabilité, où le manque de repères, la perte du sens de la vie, le délitement du sentiment d’affiliation, le poussent vers une nouvelle quête existentielle. (Lire la suite)
Quelques parcours de radicalisation et djihadisme
À travers son expérience dans la prise en charge de jeunes en milieu carcéral, l’auteur témoigne de la pluralité des parcours dans le processus de radicalisation. L’analyse des mécanismes psychiques à l’œuvre ayant amené certains jeunes dans la voie de la radicalisation, rencontre fortuite entre une personnalité, un contexte socioculturel et un message, apparaît alors comme une des voies possibles de compréhension. (Lire la suite)
Analyse processuelle et dimensionnelle du symptôme des radicalisations adolescentes
L’approche clinique nous conduit à considérer la radicalisation des jeunes comme un nouveau symptôme adolescent, dans un rejet des anciens modes de fonctionnement et d’être au monde. L’enjeu de ce symptôme est de dépasser, éviter ou court-circuiter le travail psychique du pubertaire. Ce texte tentera de décoder ce que recouvre ce processus de radicalisation, d’un point de vue clinique, à travers les enjeux, intra et inter-psychiques qui y sont liés. (Lire la suite)
La figure du terroriste : le regard de ceux qui en sont les victimes
Du côté des rescapés d’actes terroristes, la violence extrême ébranle littéralement le socle identitaire. En miroir, s’incarnant dans la figure du terroriste, celle du mal absolu, elle éveille, chez la victime, une agressivité désespérée et virulente. Le travail psychique à mener auprès de la victime consiste à déconstruire cette violence extrême afin de demeurer inscrite dans l’humanité. (Lire la suite)
La prévention de la radicalisation en France et ailleurs en Europe
L’effort français de lutte contre la radicalisation se concentre sur son traitement plutôt que sur son évitement. Or, pour combattre efficacement ce phénomène, il convient d’appuyer les politiques publiques sur sa prévention primaire. Dans les pays européens, on assiste à de nombreuses mesures préventives, par des programmes éducatifs, communicationnels, explicatifs. Un panorama de ces expérimentations. (Lire la suite)
Bibliographie du dossier
Barrelle K., 2010, « Disengagement from Violent Extremism », Conference, Global Terrorism Centre and Politics Department, Monasch University. | Ferenczi S., 1932, « Confusion de langue entre les adultes et l’enfant. Le langage de la tendresse et de la passion », In Œuvres complètes, PsychanalyseIV, (1927-1933), Paris, Payot, 1990, p. 125-135. | Leistedt S. J., 2013, « Behavourial Aspects of Terrorism », Forensic Science International, 228 : 21-27. |
Bazex H., Mensat J.-Y., 2016, « Qui sont les djihadistes français ? Analyse de 12 cas pour contribuer à l’élaboration de profils et à l’évaluation du risque de passage à l’acte », Annales médico-psychologiques. | Freud S., 1891, Contribution à la conception des aphasies, Paris, PUF, 1983, p. 12. | Littell J., 2006, Les Bienveillantes, Paris, Gallimard. |
Bénézech M., Estano N., 2016, « L’apport de la psychologie et de la psychiatrie dans la connaissance des phénomènes de radicalisation et de terrorisme », Les Cahiers de la sécurité et de la justice, n° 44 : 134-149. | Freud S., 1915, « L’inconscient », Œuvres complètes, Paris, PUF, 1994, p. 205-244. | Mc Cants W., Meserole C., 2016, « The French Connection. Explaining The Sunni Militancy around The World », Foreign Affairs. |
Bénézech M., Toutin T., 2015, « Radicalisation, terrorisme et psychiatrie », Journal de médecine légale du vivant, 1 (1) : 231-238. | Freud S., 1916, « Quelques types de caractères dégagés par le travail psychanalytique », In Œuvres complètes : psychanalyse xv, 1916-1920, Paris, PUF, 1996, p. 13-40. | Magouirk J., Sageman M., Atran S., 2008, « Connecting Terrorist Networks ? », Studies in Conflict and Terrorism, 31 : 1-16. |
Benslama F., 2016, Un furieux désir de sacrifice. Le surmusulman, Paris, Le Seuil. | Godin-Blandeau E., Verdot C., Develay A.-E., 2014, État des connaissances sur la santé des personnes détenues en France et à l’étranger, Saint-Maurice, Institut de veille sanitaire. | Marchand P., 2014, « Analyse avec Iramuteq de dialogues en négociations de crise : le cas Mohamed Merah », 12es Journées internationales d’analyse des données textuelles. |
Boeton M., 2017, « Les raisons de la fermeture du centre de déradicalisation de Pontourny », La Croix, n° 28. | Hirsch D., 2015, « Travail du négatif dans les traumas collectifs et mal-être actuel dans la culture : convergences et filiation », in Kaës R. (et al.), Crises et Traumas à l’épreuve du temps, Paris, Dunod. | |
Borum R., 2012, « Radicalization into Violent Extremism : A Review of Social Science Theories », Journal of Strategic Security, 4 : 7-36, | Hoffman B., 2006, Terrorism, New York, Columbia University Press. | Meloy J. R., Yakeley J., 2014, « The Violent True Believer as A “Lone Wolf”: Psychoanalytic Perspectives on Terrorism », Behia Sci Law, 32 : 347-365. |
Bourdieu P., 1986, « L’illusion biographique », Actes de la Recherche en sciences sociales, p. 69-72. | Horgan J., 2008, « From Profiles to Pathways and Roots to Routes : Perspectives from Psychology on Radicalization into Terrorism », The ANNALS of The American Academy of Political and Social Science, vol. 618, 1 : 80-94. | |
Bouzar D., 2015, Comment sortir de l’emprise djihadiste ?, Paris, Éditions de l’Atelier. | Horgan J., Braddock K., 2010, « Rehabilitating The Terrorists ? Challenges in Assessing The Effectiveness of De-radicalization Programs », Terrorism and Political Violence, 22. | Mogaddham F. M., 2005, « The Staircase to Terrorism : A Psychological Exploration », American Psychologist, Vol. 60, n° 2 : 161-169. |
Bulinge F., 2015, « Radicalisation sur Internet : méthodes et techniques de manipulation », Les Cahiers de la sécurité et de la justice, n° 30 : 32-42. | Kepel G., 2015, Terreur dans l’Hexagone : genèse du jihad français, Paris, Gallimard. | Monod G., 2018, En prison, paroles de djihadistes, Paris, Gallimard, à paraître le 15 novembre. |
Corner E., Gill P., 2015, « A False Dichotomy? Mental Illness and Lone Actor Terrorism », Law and Human Behavior, 39 (1) : 23-34. | Khosrokhavar F., Benslama F., 2017, Le Djihadisme des femmes. Pourquoi ont-elles choisi Daesh ?, Paris, Le Seuil. | Neuman P., 2015, Victims, Perpetrators, Assets : The Narratives of Islamic State Defectors, International Centre for the Study of Radicalization and Political Violence (ICSR). |
Corner E., Gill P., 2017, « Is there A Nexus between Terrorist Involvement and Mental Health in The Age of The Islamic State ? », C.T.C, Vol. 10, 1. | Kruglanski A. W., Fishman S., 2006, « Terrorism between “Syndrome” and “Tool” », Current Directions in Psychological Science, 15 : 45-48. | Olievenstein C., 1983, La Drogue ou la vie, Paris, Robert Laffont. |
Crenshaw M. M., 2006, « Have Motivations for Terrorism Changed ? », In Victoroff J (ed), Tangled Roots : Social and Psychological Factors in The Genesis of Terrorism, Oxford, ISO Press, p. 51-61. | Kruglanski A. W., Belanger J. J., Gelfand M., 2013, « Terrorism, A (Self) Love Story Redirecting the Significance Quest Can end Violence », American Psychologist, 68 (7) : 559-575. | Roussillon S., 2012, Les Brigades internationales de Franco, Éditions Via Romana. |
Crettiez X., Seze R., Lindemann T., Ainine B., 2017, Saisir les mécanismes de la radicalisation violente : pour une analyse processuelle et biographique des engagements violents, Rapport de recherche pour la mission de recherche droit et justice. | Lacan J., 1966, « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je », Écrits, Paris, Le Seuil. | Roy O., 2017, Le Djihad et la mort, Paris, Le Seuil. |
Sageman M., 2004, Understanding Terror Networks, Philadelphia, University of Pennsylvania Press. | ||
Daligand L., 1997, « La thérapie des victimes au risque de la violence », Les Cahiers de l’actif, 248/249 : 77-84. | Lacan J., 1986, « Le séminaire. Livre vii », L’Éthique de la psychanalyse, Paris, Le Seuil. | Sageman M., 2008, Leaderless Jihad, Philadelphia, University of Pennsylvania Press. |
Duhamel C., et Ledrait A., 2017, « Djihad au féminin : promesse d’une solution aux éprouvés pubertaires », Adolescence, T. 35, n° 2 : 413-432. | Lauferon F., 2018, « Un outil au service du désengagement : présentation du dispositif rive », A. J. pén., p. 135. | Vandevoorde J., Estano N., Painset G., 2017, « Homicide suicide : Revue clinique et hypothèse psychologique », L’Encéphale, n° 43. |
Ernst-Vintila A., 2015, « Mentalité conspi-rationniste, socialisation, radicalisation. Réflexion théorique et illustrations empiriques », Psihologia Socială, nr 36 (II) : 89-104. | Lebigot F., 2005, Traiter les traumatismes psychiques, Paris, Dunod. | Vandevoorde J., Estano N., Painset G, 2018, « Les fonctions psychopathologiques de la conversion idéologique ou religieuse et leur rapport avec le terrorisme », Revue de neuropsychiatrie de l’enfance et l’adolescence, In Press. |
Ferenczi S., 1930, « Réflexions sur le plaisir de la passivité. Notes et fragments (1920 et 1930-33) », Psychanalyse IV, Œuvres complètes, Paris, Payot, 1982, p. 274-276. | Ledrait A., 2017, « Figures traumatiques du fantasme d’infanticide dans la relation mère-enfant dans une famille normande », In Y. Govindama (dir.), Maltraitance et fantasme d’infanticide, Paris, Karthala, p. 165-176. | Webber D., Kruglanski A. et al., 2017, « Deradicalizing Detained Terrorists », Political Psychology, Vol. xx, No. xx, doi: 10.1111/pops.12428. |